Gauche alternative en Corse
François Mitterrand avait pu mener sa vie dissolue, élever sa fille adultérine et longtemps clandestine aux yeux de la population, Mazarine Pingeot dont le prénom évoque assez directement sa conception du pouvoir, dans la quiétude d’une société française et de communication non encore éprise de transparence, seulement traversée de rumeurs qui n’avaient pour réseau que celui du Tout-Paris et de quelques instituteurs et professeurs alors dépourvus de téléphones-portables-appareils-photo-terminaux-d’ordinateur et de comptes twitters ou appartenant à un quelconque réseau dit social. Les gardes du corps attendaient à la sortie de l’école et tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes.
L’Hermite errant… n’a pas vu le changement d’ère
Il n’aura échappé à personne que notre Président actuel a commencé sa carrière politique dans l’ombre tutélaire de celui qui avait offert le pouvoir à la gauche, dite alors plurielle, pour la première fois dans la cinquième République avant d’une part, de flinguer le Parti Communiste au point que ce dernier ne passera plus la barre des dix pour cent à des élections présidentielles, s’enlisera jusqu’à atteindre moins de trois pour cent aux élections présidentielles de 2007 et sera réduit à servir, hier comme aujourd’hui, d’allier au conquérant Parti-dit-Socialiste lors d’élections locales et intermédiaires afin de sauver les élus et donc les finances du Parti et d’autre part, de faire émerger le Front National avec sans doute déjà, vu son génie politique, l’idée de torpiller la droite et de justifier le vote utile derrière ce qu’on nommait alors le « front républicain » avec pour résultat le bipartisme à l’américaine corollaire d’un régime de plus en plus présidentiel.
Il n’aura pas davantage échappé aux commentateurs le mimétisme de plus en plus frappant au cours de la campagne présidentielle entre Monsieur Hollande et son mentor, tant sur le fond que sur la forme. Le succès fut au rendez-vous ce qui en dit long sur la mémoire des citoyens. Pour autant, personne n’était allé jusqu’à penser Monsieur Hollande imprégné de culture mitterrandienne au point de ne pouvoir échapper à sa vision libérée du couple.
Mais peut-on en vouloir au Président le plus rapidement impopulaire de la cinquième République d’aller chercher sur la scène internationale et dans les bras d’une femme le réconfort et le lien perdus avec la Nation ? Le seul reproche que l’on pourrait lui adresser est de ne pas avoir tenu compte du changement d’ère lequel imposait d’autres précautions quand la presse dite people se cache dans les poubelles à chaque coin de rue.
Il semblerait qu’il ne tienne pas davantage compte d’un autre changement plus politique celui-là.
Périmées les recettes de Tonton ?
La conférence de presse dont les commentateurs ont quasi unanimement, si l’on excepte les hors-micros malencontreux du direct, salué la performance et notamment la stratégie adoptée quant à l’épisode vaudevillesque, a montré également à quel point François Hollande mettaint ses pas dans ceux de François Mitterrand.
Déjà tourné vers 2017 devenue la nouvelle échéance pour le changement, il opère ce que la presse nomme « changement de cap » quand il ne s’agit que de la clarification d’une doctrine à l’œuvre depuis le début du quinquennat : la social-démocratie version Blair/Schröder qui n’est autre que du libéralisme, sans plus de liens avec les fondements qui font l’identité de la gauche.
Et sur ce point au moins, il convient de remercier Monsieur Hollande. Il en va de la qualité du débat démocratique et de la réhabilitation de la chose politique. A ce jour, toutes les personnes qui pensaient encore voter à gauche en glissant un bulletin de vote siglé PS ne pourront plus faire comme si. De même, au sein même de ce parti dont il a été si longtemps le premier secrétaire et qui est sommé aujourd’hui de faire bloc derrière le Président et son gouvernement, l’heure du choix a sonné. Enfin, et par ricochet, il devient de plus en plus difficile aux alliés d’aujourd’hui, qui étaient déjà ceux d’hier, de prétendre jouer le rassemblement de la gauche en s’associant avec des élus qui par leur étiquette assument le changement de cap idéologique après avoir soutenu les actes et actions.
Là encore, la stratégie est toute mitterrandienne. « Une élection se gagne contre son camp », voilà l’un de ses principes fondamentaux. Il s’agit donc d’aller prendre des voix au centre, c’est-à-dire à droite avec comme hypothèse de départ que l’électorat de gauche est captif, toute velléité de construire un mouvement à la gauche du PS ayant été préalablement détruite. A lire les commentaires journalistiques et ceux des représentants de la droite dite modérée par ces mêmes commentateurs, le premier point semble acquis. De Jean-Louis Borloo à Jean-Pierre Raffarin en passant par François Bayrou, tous saluent la perspective offerte par le Président et font mine d’attendre de voir comme si rien ne s’était déjà produit depuis 2012 et les multiples « réformes » déjà engagées (retraites, ANI, CICE, TVA…).
D’un autre côté, la stratégie du Parti communiste aux municipales ainsi que la bonne santé sondagière du FN semblent conforter le Président et les pontes de Solferino dans le fait que les choses n’ont pas changé. Les mêmes causes devraient produire les mêmes effets. C’est le credo.
Et pourtant, une chose a changé.
Un mouvement, le Front de Gauche a émergé aux présidentielles avec pour la première fois depuis longtemps un score à deux chiffres (11 %, quatre millions d’électeurs) aux côtés du PS. Un mouvement revendique son autonomie et même son indépendance à l’égard du PS et du gouvernement qu’il a portés au pouvoir. Il s’agit aujourd’hui alors que la reconfiguration du paysage politique a été officiellement opérée par le Président de la République d'en tirer toutes les conséquences.
1/ Non, le Front de Gauche n’est pas à la gauche de la gauche. Il est à gauche et tout électeur soucieux de marquer son identité et son envie d’une véritable rupture avec les politiques menées en France et en Europe, doit faire la différence et ne plus se tromper.
2/ Ce mouvement n’est pas d’extrême-gauche dans la mesure où il n’est pas révolutionnaire, et qu’il entend accéder au pouvoir par les urnes sur un programme sérieux et cohérent, qui au-delà d’un diagnostique partagé par de plus en plus de monde, propose de véritables mesures susceptibles d’améliorer la situation dans le contexte actuel.
3/ Cette volonté d’indépendance doit maintenant être marquée à chaque élection.
Les municipales sont donc un moment important. Dans le contexte actuel d’austérité, où les choix nationaux ont un impact direct sur les moyens donnés aux municipalités pour agir, il convient de faire du scrutin municipal un grand moment démocratique qui va bien au-delà du bilan de telle ou telle équipe sortante. Ceux qui ont choisi l’alliance avec le PS devront plus que jamais s’en expliquer devant les électeurs. Ces derniers, s’ils ne veulent plus voir leur rôle se limiter à « beurrer les sandwichs » ont aussi leurs responsabilités à prendre. A défaut, les Tontons ont encore de beaux jours devant eux.
Jean-Pierre Lovichi