Gauche alternative en Corse
L’affaire Hollande/Gayet, au-delà du vaudeville, a donné le spectacle d’un microcosme politico-médiatique loin du monde réel. Des politiques, des penseurs, des intellectuels, des experts en journalisme sont venu apporter leurs avis sur la limite entre vie privée et vie publique. On a assisté à des débats sans fin qui tournaient autour du pot avec quelques bribes sur le comportement du chef de l’état allant de l’admiration pour le Don Juan à l’ironie. Bien sûr personne n’a joué les moralistes car c’est très mal vu. Personne n’a véritablement porté la discussion sur tout ce que révèle le comportement du chef de l’Etat lorsqu’on le met en parallèle avec sa carrière politique. Certes il a le droit d’aimer et même de divorcer mais il n’a jamais été marié. Tromper son épouse ou son conjoint est chose courante mais intronisé une maîtresse Première Dame de France alors qu'il entretient une liaison avec une autre, ce n’est pas digne d’un Président de la République. C’est un comportement de Monarque et non pas d’un Républicain. C'est le retour à l'époque des farvorites du Roi. D’autres avant lui ont caché leur double vie. Pourquoi l’ont-ils cachée alors que dans leur intimité elle était connue et acceptée ? Parce qu’il leur fallait une façade conventionnelle. Hollande a caché sa liaison à son entourage et d’abord à la première Dame de France. Il l’a trompée comme il a trompé le peuple français. Peu importe que d’autres aient installé des Premières Dames de façade. Après cinq ans de bling bling sarkozyste, on pouvait espérer le comportement exemplaire promis par le candidat Hollande. Hors quel exemple montre-t-il ? Il a une vie privée bâtie sur le mensonge et la duplicité. Sa ligne de conduite est de faire ce qui lui plaît et ce qu’il décide, puis, malgré les dégâts, de laisser les choses s’arranger d’elles-mêmes… d’elles-mêmes pour lui et non pas pour les autres. Il se conduit en parfait égocentriste et dans le mot il y a « centre ». C’est un centriste individualiste et libéral qui se dit homme de compromis mais utilise le passage en force. C’est ce qu’il fait dans son action politique. Lorsqu’il parle de compromis, il faut comprendre abdication du peuple. Il vit en concubinage avec le parti socialiste et le trompe avec la droite. Avec son pacte de responsabilité, il s’est pacsé avec le Medef. Alors qu’à Gauche on s’insurge, la droite le félicite. On se demande ce qu’il annoncera de pire que le pacte de responsabilité après sa prochaine tromperie amoureuse ?
Quelle est la signification pour lui de la sociale démocratie ? C’est de tenir un discours pseudo-humaniste pour imposer une politique libérale, c’est-à-dire une violence économique dont il connaît les conséquences sociales. Il poursuit la politique d’ajustement structurel, c’est-à-dire d’affaiblissement du secteur étatique ou paraétatique, accompagné de chômage massif, d’endettement, d’installation d’entreprises étrangères dans des secteurs clés, de désindustrialisation, de prédominance du capital financier, d’accroissement de la pauvreté, de précarisation des emplois et du travail…Il taxe les salariés, les assurés sociaux, les consommateurs, les retraités et fait des cadeaux aux patrons. Il poursuit les politiques d’inégalités. Il veut faire abdiquer la Gauche devant la domination despotique du capital. Il pense la politique en termes de propriété privée et de marché. Il n’a qu’une loi: celle du Marché. Pour lui, ce n’est plus le travail qui produit des richesses. Ce n’est même plus la technique et les sciences mais c’est surtout la Finance. Avec son pacte de responsabilité, il attendra, comme un petit oiseau dans son nid élyséen, la béquée patronale des emplois pour redresser la courbe du chômage sur laquelle il a les yeux rivés, oubliant de regarder dans les yeux les chômeurs, les futurs licenciés boursiers et les salariés en lutte. Il ne prendra pas son scooter pour aller les voir. Il préfère l’anonymat des chiffres commentés par les économistes propagandistes du libéralisme économique.
Dans une tribune du New York Times (commentée dans libération) François Hollande n’a aucune félicitation de la part de Paul Kugman, Keynésien prix Nobel d’économie 2008. Ce dernier ne mâche pas ses mots et écrit que notre président social-démocrate « ne rompt pas avec l’orthodoxie des politiques d’austérité destructives à l’œuvre en Europe» qui conduisent pourtant «à des résultats désastreux» depuis quatre ans. Mais les derniers choix présidentiels représentent selon lui quelque chose de «scandaleux»: embrasser «des politiques économiques de droite pourtant discréditées». «Oui, des conservateurs sans cœur et butés ont mené la politique, mais ce sont des politiciens de la gauche modérée, mous et brouillons qui les ont encouragés et leur ont facilité la tâche»
En comptable public, Hollande ajoute et soustrait des milliards d’euros, sans toucher du doigt la misère d’une partie de ses concitoyens. Il reprend l’erreur démystifiée que « c’est l’offre qui fait la demande ». Selon le Prix Nobel, «il est tombé dans la posture habituelle, une posture qui se transforme désormais en effondrement intellectuel. Et c’est ainsi que la seconde grande dépression de l’Europe va continuer ». Le danger est que les politiques d’austérité conduisent l’Europe à la faillite.
Finalement, il faut se dire que, pour être cocu, il faut être amoureux ou marié ou les deux. Les élections présidentielles ne sont pas un mariage entre un homme et le peuple. Il ne s’agissait même pas d’amour mais plutôt de rage contre le sortant, son comportement et sa politique ultralibérale. Maintenant, il faudra que François Hollande, élu grâce à toutes les forces de gauche, vivent politiquement avec le centre et la droite puisqu’il a enfin reconnu sa liaison idéologique avec eux. Il a choisi officiellement sa vie politique. Nous ne le retenons pas. Par ailleurs, peu nous importe le choix qu’il fera entre deux femmes et laquelle restera la compagne du moment. Par contre, exit la Première dame ! Changeons cet usage monarchique dont elle bénéficie ! Son seul statut est celui d’épouse ou de concubine et parfois de favorite. Elle n’a pas été élue au suffrage universel et ne couche pas avec la République. On ne juge pas un Président sur sa femme mais sur son action. Que l’on ne nous raconte plus des histoires avec une actrice du storytelling politique dans un rôle officieusement officiel. Nous ne sommes ni aux Etats-Unis ni à la cour d’Angleterre. Depuis peu, la First Girlfriend, comme les Américains la surnomment en se délectant de la lecture quotidienne de notre vaudeville national, se repose à la Lanterne sans que nous soyons éclairés sur son avenir. La Lanterne ! Le titre d’un ouvrage écrit par Pierre Machuret en 2010 est évocateur des mœurs de la Cinquième république : Un long dimanche à Versailles, la République à la Lanterne. Cette propriété mis à la disposition du Premier ministre par Charles de Gaulle a été chapardé à Fillon par Sarkozy (En échange, le magnanime Sarkozy a offert à son premier ministre le château de Rambouillet. «Un endroit sinistre», a confié Balladur) et Hollande ne l’a pas rendu à Ayrault. Ce dernier y a même passé des vacances en août 2013. Carla Bruni a chanté une chanson « ballade de la Lanterne » sur cette propriété idyllique où elle a fêté ses 40 ans. Rien à voir avec le chant révolutionnaire Ah ! Ça ira, ça ira, ça ira ! Les aristocrates à la lanterne, Ah ! Ça ira, ça ira, ça ira ! Les aristocrates on les pendra ! Sans remonter au fantôme du prince de Poix, capitaine des chasses et gouverneur de Versailles, qui fut le bâtisseur de la Lanterne en 1787, ce fut la résidence française d’un richissime américain James Gordon Bennett, qui l'occupa somptueusement à la fin du XIXe, puis celle de l’ambassadeur des Etats Unis avant de devenir la propriété de l’Etat mise à la disposition du Premier Ministre sous la Cinquième république.
La FirstGirlfriend va-telle tenir la chandelle ? Nous l’ignorons car Hollande fait lanterner tout le monde. Comme il l’a dit lui-même, il y a vie publique et vie privée. Qu’il nous épargne sa vie privée ainsi que celles de ses successeurs ! Que son mauvais exemple serve à quelque chose ! Ce qui nous intéresse, c’est la suite politique et républicaine de sa double vie. Le Président de la république ne doit plus être le monarque d’une république bananière. A ce propos, la Lanterne est ce petit Trianon qui a traversé tous les plans d'austérité, de rigueur, ou de "sérieux budgétaire" engagés depuis les années 70, toutes les réflexions sur les conflits d'intérêt, tous les débats sur les privilèges des gouvernants... un endroit exquis (dit-on !) à la disposition du Premier ministre (squatté un temps par André Malraux) et maintenant du Président de la république mais aussi une résidence gratuite , somptueuse, interdite au public alors qu’il s’agit d’une propriété entretenue pas les contribuables et faisant partie du patrimoine national.
La presse de plus en plus people montre de riches idoles et alimente le rêve monarchique avec les mariages et les naissances des familles royales. Tout en publiant des contes de fées, on fait croire à chacun qu’un jour il réalisera ses chimères. Les émissions de téléréalité et les concours de chant se multiplient. La Française des jeux propose un nombre inouï de jeux d’argent. L’avenir de chacun est proposé au grattage et au tirage. Alors, le quidam abusé accepte l’étalage indécent de ce microcosme mondain et riche qui lui est montré à la loupe. Qu’entend-on lorsque l’on s’insurge : « Ils ont raison. Je ferais pareil à leur place ». On fait tout pour que chacun s’imagine à leur place et pense y parvenir un jour. Les exemples ne manquent pas : footballeur, chanteur, comédien, mannequin, journaliste de la télévision, animateur…etc. On peut aussi espérer être un jour Président de la république ou son conjoint. On insuffle dans tous les cerveaux la compétition et l’individualisme.
Compétitivité économique et compétition individuelle, voilà les deux mamelles du libéralisme auxquelles François Hollande a tété dans la pouponnière de l’ENA. Il faut écouter ce que dit Albert Jacquard (décédé le 12/9/2013) de la compétition : « C'est une pure folie! L'idée selon laquelle, dans chaque secteur, dans chaque discipline, il faut qu'il y ait un premier, un deuxième et un troisième est une aberration. La compétition, c'est la volonté d'être meilleur qu'autrui, de le dépasser. Quitte à tout faire pour le détruire. Dans le domaine du sport, la compétition engendre le dopage, les pots-de-vin. Elle transforme des êtres humains en une nouvelle espèce, intermédiaire entre les humains et les monstres. Dans le domaine économique, elle génère les escroqueries, les actions malveillantes ou agressives entre sociétés concurrentes... » Par ailleurs le généticien n’est pas tendre pour les grandes écoles qui forment des conformistes. Dans ce système éducatif, le meilleur est celui qui est capable de consacrer toute son intelligence à apprendre un programme qui ne l’intéresse pas, c’est-à-dire à se soumettre. Ce sont les plus soumis et le plus conformistes qui gagnent. Pour feu Jacquard, « plus on est conformiste, plus on est dangereux ». François Hollande est un président normal, c’est-à-dire conformiste qui n’écoute pas les prophéties lorsqu’on lui dit « Attention, voilà ce qui peut arriver ! ». Il répète dans quelle direction il faut aller : la même que ses prédécesseurs. Pour lui le changement est immobile. Nous savons où nous a menés le libéralisme capitaliste et vers où il nous entraîne.
Pour mettre fin à la République de la Lanterne et espérer une Sixième république, il est urgent de nous unir autour de nos valeurs communes et d’un idéal qui sera notre réalité de demain. Loin de la Cour élyséenne, c’est la fidélité à cet idéal qui nous anime et nous permet de résister au fatalisme. Oui la fidélité est une qualité morale en politique. Elle interdit le mensonge et la trahison. Elle est une marque de respect de la parole donnée. Rien de solide et de durable ne se construit sans fidélité.
Le Front de gauche peut devenir la première force de Gauche pour tous ceux qui veulent une réelle alternative, y compris les déçus socialistes et écologistes qui espéraient un vrai changement, non pas cette alternance libérale et monarchique. On vote pour des idées car elles ne trahissent personne. La Gauche ne sera pas jugée sur les chiffres trompeurs d’un social-démocrate mais sur les combats qu’elle mène dans l’opposition.
Fucone