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Gauche alternative en Corse

Des Serbes en Corse

Publié le 18 Novembre 2014 par Manca alternativa

      POUR LA PAIX, SOUVENIRS DES BALKANS

« Un peuple qui ne connaît pas son passé est un arbre sans racines. » Marcus Garvey



Mardi 11 Novembre, journée de souvenirs, devoir de mémoire, mais au-delà, de découvertes. Découvrir ce passé longtemps oublié, découvrir notre histoire, notre véritable histoire, bien commun de notre humanité, loin de toute manipulation de média et d’historiens peu scrupuleux. Tel était le thème de cette soirée si spéciale, organisé par l’association « Per a Pace », à l’Aghja en ce 11 novembre 2014
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Regards_1418

14/18, regards sur la Corse et les Balkans, tel est le thème de la manifestation retracée dans une exposition en 12 toiles.
Nous commençons notre immersion dans le passé par la visite du cimetière de «  l’Armée d’Orient », à Bitola (ex-Monastir) en république de Macédoine (ex-Yougoslavie)  ou reposent de nombreux Corses, par un court métrage de Laurent Santoni qui nous rappelle l’engagement des enfants de notre région dans ces combats lointains en 14/18.
Combattre loin de sa terre, loin des siens, pour une cause qui dépasse l’entendement de beaucoup, mais dont la fureur des combats résonne encore en nous. Le réalisateur Franco-algérien  Medhi Lallaoui, porteur, à travers ces documentaires et ouvrages, depuis longtemps du message de paix et fraternité, nous le fait ressentir grâce à son film documentaire « Les poilus d’ailleurs».
Ce film documentaire nous présente, sous un jour nouveau, les visages de ces hommes venus d’un ailleurs, souvent « exotique », pour ses contemporain, de ces colonies où vivent ces sujets de la France qui constituent un réservoir inépuisable de matière humaine.
« Les races supérieures ont un droit sur les races inférieures » nous disait Jules Ferry, dans son discours sur la « juste cause » de la colonisation, devant les députés.
Quel poids immense pèsera cette idéologie monstrueuse, dans l’esprit du commun de ce début de vingtième siècle….
Témoignages poignants d’anciens héros, délaissés dans le dénuement le plus total par cette France officielle qui, à jamais, aurait dû les honorer. Medhi nous démontre, si encore il en était besoin, les horreurs de l’exploitation de l’humain par l’humain et la lâche entreprise qui conduit ces malheureux à leur triste sort.
La guerre, toujours la guerre….
Notre regard se tourne ensuite vers les Balkans où tout commença, et où la furie meurtrière se déchaîna plus que nulle part ailleurs.
Dans cette grande Serbie où 30% de la population a été décimée.
De ce passé, l’historien Serbe Zoran Radovanovic, nous ramène une histoire, commune a nos deux terres méditerranéennes, l’histoire de la rencontre de deux peuples, que rien ne prédisposait à rapprocher et qui se montreront solidaires dans la misère.
A l’occasion d’un voyage solidaire et culturel à Sabac en ex Yougoslavie, l’équipe de « Per a Pace », lors d’une visite fortuite dans un musée crut reconnaître des paysages de notre île sur d’anciennes toiles de peintre. Qu’elle ne fut pas leurs surprises d’entendre ces récits parlant de la Corse, terre d’asile, avec amour et reconnaissance par leurs amis Serbes.
De cette rencontre Zoran Radovanovic déroula le fil d’Ariane afin de nous conter à travers un magnifique ouvrage, ce pan méconnu de l’histoire insulaire (pour l’instant malheureusement en langue Serbe mais qui ne devrait pas tarder à être traduit).
Fin 1915, le besoin d’accueillir les Serbes réfugiés en Grèce se fait sentir, leur sort étant rendu difficile dans les camps mis à leurs dispositions, ainsi que par l’ignorance des populations, qui voyaient en eux uniquement des intrus à nourrir et que la rumeur tenait porteur de maladies.
Après négociations avec le gouvernement français et dans le cadre des accords franco-serbes,  la Corse fut choisie pour les accueillir, et au printemps 1916 déjà, cinq mille réfugiés serbes vivaient parmi nous, essentiellement dans les villes d’Ajaccio et Bastia, ainsi que les villages de Bocognano, Ucciani et pour un petit nombre à Chiavari.
Les réfugiés furent accueillis avec respect et la population donna le meilleur d’elle-même, pour faire en sorte que nos frères venus de Serbie soient, malgré les circonstances, le plus vite intégrés dans la société.
Très vite, une fois la petite communauté établie et organisée, le besoin de scolariser ces enfants (parfois orphelins) se fit sentir et ils intégrèrent nos écoles. La scolarisation de ces enfants marquera de son empreinte la pensée serbe de l’entre-deux guerres.
C’est l’écrivain Serbe Miahilo M. Djokic qui en parle le mieux dans son livre de 1923 intitulés « L’honneur aux fils de la Corse » : « Dans les pires jours que le peuple serbe a connu, quand les deux empires qui avaient plus de soldats que la Serbie ne comptait d’habitants, se précipitait, avec toute leur puissance sur elle, et quand l’hostile Bulgarie l’attaquait dans le dos, dans ce temps hostile, la Serbie a succombé et le peuple a reculé devant l’ennemi qui détruisait et brûlait les villages, les églises, torturait sauvagement et abusait des plus vulnérables. Une partie de notre peuple, exilé de sa patrie, errant dans les mers infinies à travers le monde a trouvé refuge, sur cette magnifique et belle île de la Corse.
Durant ces jours difficiles, l’amour et la serviabilité des fils de la Corse ont été grands et sans limites. Au cours de ces trois années, tout le monde essayait d’être le plus grand samaritain. Cet amour ne peut être détruit par le temps. Cela ne s’oublie jamais…. »
Voila « notre » histoire, contée par le peuple serbe, une histoire qui ne nous était pas inconnue, mais le livre de Zoran a le mérite de nous restituer un siècle après.
Comment ne pas avoir, sinon une pensée, un sursaut de prise de conscience en regardant les images de populations rom, exclut de la société roumaine, et qui viennent chercher pour leurs enfants un meilleurs avenir en France. Entre 15 et 20 000 présents sur l’ensemble du territoire  à comparer aux 5000 Serbes que la population Corse a accueilli en 14/18.
Des enfants que l’on refuse de scolariser, car de "mauvaises compagnie" pour les fils de France, 53 % d’entre eux non pas accès à l’enseignement primaire.

Stéphane Leroy

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