Gauche alternative en Corse
Le Président du Medef vient de se surpasser dans le domaine de la plaisanterie de mauvais goût. Après avoir dit tout le bien qu’il pensait du pacte de responsabilité concocté par le pouvoir dit socialiste, tout en profitant au passage pour réclamer de nouvelles exonérations de cotisations patronales, le voilà qui récidive et comme dirait ma grand-mère : « Il fait fort le lascar ». Pierre Gattaz nous balance une gracieuseté en proposant d’instaurer un salaire intermédiaire pour les jeunes, inférieur au Smic ! Lumineuse idée. Parce que voyez-vous, braves gens, le Smic actuel (1445 euros bruts mensuels) est trop élevé ! Donc, pour intégrer plus facilement des jeunes dans les entreprises payons-les moins chers. Il vaut mieux des gens sous-payés, que des gens livrés à eux-mêmes, en proie à la désespérance et à l’oisiveté. Fabuleuse logique.
Alors, bien évidemment, de nombreuses réactions se sont fait entendre. Presque tout le monde fustige l’honnête proposition de Pierre Gattaz, y compris Laurence Parisot qui se fend d’une belle déclaration : « Proposer un salaire en dessous du Smic, s’apparente à une logique esclavagiste. » Bravo, on approuve. Mais cette déclaration est-elle sincère, ne procède-t-elle pas d’un règlement de compte avec son successeur à la tête du Medef ? Laurence Parisot n’aurait-elle pas digéré son éviction, elle qui caressait le rêve d’un troisième mandat ? Pour leur part, les syndicats des salariés se sont déclarés contre une telle ineptie, contreproductive, qui consiste à tirer les salaires vers le bas et qui risque de nous précipiter un peu plus vite dans cette logique infernale expérimentée, entre autres, par les Grecs et les Espagnols. Les alliés politiques et naturels du Medef, la droite, le Front national, n’ont pas osé reprendre à leur compte la proposition, même s’ils n’en pensent pas moins.
Une question se pose. Est-ce que la saillie de Gattaz est une simple plaisanterie, une provocation ? C’est peu probable. Cela ressemble plutôt à un test, à un ballon d’essai. Cette idée de Smic jeune n’est pas nouvelle, rappelons-nous les fameux Cpe. Récemment, on a pu entendre deux éminents socialistes, Pascal Lamy, ancien directeur général de l’Omc et Hubert Vedrine, ancien ministre des Affaires étrangères de Mitterrand, formuler des propositions comparables. Il est probable qu’on y pense dans les services de l’Elysée et de Matignon. D’ailleurs, pour information, François Hollande a reçu à déjeuner trois « éminents économistes » – pas ceux des Economistes atterrés – bien dans la ligne ultralibérale, Gilbert Cette, Philippe Aghion et l’indicible Elie Cohen. Ainsi par exemple Gilbert Cette a laissé entendre que « rien ne doit être tabou », en matière de bas salaires.
Cette inadmissible prétention du patronat, qui si elle était appliquée, contribuerait à une paupérisation accélérée d’une majorité des salariés dans notre pays. Les syndicats de salariés, le Front de gauche et toutes les forces de progrès devront s’opposer avec force contre une logique sociale et économique qui nous mène à la catastrophe. Une autre voie est possible.
Maria Maddalena Lanteri