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Gauche alternative en Corse

Carnet de route à Cuba

Publié le 5 Avril 2015 par Manca alternativa

 

 

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CUBA

La révolution est-elle toujours en marche ?

Nous publions très volontiers, en plusieurs fois, le carnet de route de Jacques Casamarta, rédigé lors d'un séjour à Cuba, en février 2015. Analyse lucide qui sort des commentaires traditionnels, soit dithyrambiques, soit franchement hostiles.

 

CIMG1228Cuba est un pays qu'il faut découvrir. La beauté de ses paysages, villes et villages, n'a d'égale que la générosité des gens, leur courtoisie, leur simplicité. C'est un pays riche de son histoire, de son patrimoine historique, culturel et social. C'est un pays où l'on se sent en sécurité où que l'on aille.  Ca bouge, ça danse, ça chante à Cuba....

Pourtant, Cuba et son économie sont mal en point. L'embargo américain imposé au pays depuis plus de cinquante ans, est probablement générateur de cette situation, car aucun pays ne peut vivre aujourd'hui sans coopérations. Mais si l'embargo a indéniablement porté tord au pays et à sa population il ne peut à lui seul tout expliquer... En tous cas, les Cubains que nous avons interrogés à ce sujet attendent beaucoup des nouvelles annonces du Président Obama, à condition que celles-ci finissent par être définitivement entérinées aux États Unis.  L'un d'entre eux, Julio que nous avons rencontré dans la ville de Trinidad, nous a confié son espoir, mais aussi son scepticisme. "Obama se dit aujourd'hui ami de Cuba, mais pour être ami il faut aussi respecter Cuba pour ce qu'il est" et de rajouter "il ne faudrait pas qu'il s'imagine manger Cuba, on ne laissera pas faire...". Julio est très avenant et fier de nous parler de son pays, de la résistance des citoyens de Trinidad face aux colons espagnols. Cuba a réalisé ses deux révolutions, mais "Fidel Castro a donné son identité au pays, un grand homme qui a fait beaucoup pour Cuba" insiste-il. 

Sur le bord des routes, et dans tout le pays, de l'est à l'ouest et du sud au nord, Cuba affirme son ancrage à ses révolutions et notamment sa dernière. 

"Un socialisme efficient, solidaire, combatif, soutenable"... Il valorise le travail, la production, le patriotisme... Plébiscite ses héros de révolutions à commencer par Fidel Castro, son frère Raul, le Che et tous les autres... 

Mais qu'en est-il exactement ? La révolution est-elle toujours en marche ? Et Cuba a-t-il aujourd'hui les moyens de sa politique, de ses ambitions maintes fois affichées ? 

 

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Un peu d’histoire

Pour tenter une approche, plusieurs éléments sont à prendre en compte et en premier lieu, l'histoire du pays. Cuba est une île des Caraïbes et comme ses voisines elle a subit le poids de la colonisation. La sienne était espagnole depuis la découverte de l'île par Christophe Colomb au 16ème siècle où les indigènes indiens ont été chassés pour ne pas dire exterminés par les conquistadors dont le plus célèbre reste Diego Vélasquez.

Pays de l'esclavage il aura subit pendant plus de 4 siècles cette colonisation et aujourd'hui sa culture est afro-cubaine. La religion catholique, elle-même, a du s'adapter à cette réalité. Cette histoire aura profondément et durablement marqué le pays et l'architecture coloniale avec ses belles demeures est probablement ce qu'il reste de mieux de cette époque. 

C’est en 1898 que le pays fera sa première révolution pour conquérir son indépendance face aux espagnols. Le héros principal, mais qui n'aura pas survécu aux combats libérateurs reste incontestablement José Marti, poète, écrivain, journaliste, mais aussi et surtout fondateur du "parti révolutionnaire cubain». Il reste encore aujourd'hui la grande figure historique dont on ne compte plus les statues, rues, places, dans les villes et même les villages. Cette mémoire est encore fortement présente dans la société cubaine d'aujourd'hui et continue de l'irriguer.

Mais Cuba s'est libéré de quatre siècles de colonisation espagnole, pour retomber aussitôt dans le néo-colonialisme où plus précisément sous la tutelle ou la domination de son puissant voisin du nord, les États Unis, qui feront du pays "le bordel des Amériques".  Cuba était devenu le lieu de toutes les perversions et même le célèbre Al Capone dans les années 30 avait élu domicile dans le plus grand et majestueux hôtel de La Havane.

Ce n'est qu'en 1959 que Manuel Batista le dictateur à la solde des Etats Unis  sera chassé du pouvoir par Fidel Castro, le Che, et ses compagnons d'armes. Une nouvelle page de l'histoire de Cuba s'ouvrira. 

Dans de nombreuses villes, les places de la Révolution ornées de statuts et autres monuments rappellent ces heures glorieuses.  Des musées ou encore mausolées à l'image de celui de Santa Clara censé abriter les restes du Che et de 38 de ses camarades tués en Bolivie le 8 octobre 1967 sont valorisés et accueillent des milliers de personnes par jour. 

Partout, durant notre séjour, nous avons eu le sentiment que les cubains en grande majorité étaient fiers de leurs révolutions... En tous les cas, ils en parlent, et dans la rue, les écoles, les musées et monuments, rappellent ces mémoires, même si aujourd'hui beaucoup ont le sentiment que la révolution est en panne de perspectives. Les raisons en sont probablement multiples. 

 

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Cuba, pays de contrastes

Cuba a tenté de s'adapter et s'ouvrir, tout en essayant de rester lui-même, mais le pari n'est pas facile à tenir.

Pourtant Cuba a bien des atouts. Il y a des domaines ou il a réussi. Sa politique éducative lui permet de revendiquer aujourd'hui un taux d'alphabétisation de plus de 99% et tout le monde s'accorde à dire que la santé est gratuite pour tous. Des pays de l'Amérique latine qui se trouvaient au même niveau, voir bien plus développés il y a un siècle sont loin derrière aujourd'hui. Mais pour Miguel qui travaille à l'Alliance Française de Santiago "Cuba s'occupe de l'éducation et de la santé, mais on ne trouve pas suffisamment de stylos et les médicaments n'ont parfois pas la qualité nécessaire". Ce que nous confirmera à sa manière Rider, ingénieur à la compagnie électrique dans la même ville "les médicaments se payent en Pesos cubains, ils ne sont pas chers, mais ils sont rares à cause de l'embargo ... par contre on trouve dans les pharmacies des médicaments génériques fabriqués au pays, mais ils manquent souvent certaines molécules", donc moins efficaces. 

La culture, est aussi un domaine politique de prédilection. Chaque ville cubaine possède plusieurs musées, salles d'exposition, théâtres, ou maisons de la Culture... En près d'un mois passé à Cuba, à cheval entre ces mois de janvier et février 2015, nous avons pu pleinement profiter de concerts, spectacles de danse ou expositions dans des musées, théâtres, ou encore plus simplement sur des places publiques. Pour Vladimir, un sculpteur sur bois que nous avons rencontré à Holguín, il y a "beaucoup d'artistes à Cuba, l'art est très important pour le pays, mais malheureusement, les débouchés manquent" devait-il nous expliquer, tout en nous demandant de bien vouloir faire la promotion de ses œuvres dans notre pays.  Il est clair que le développement des arts dans toutes ses dimensions est largement apprécié à Cuba, mais pour les artistes, il manque une certaine ouverture... Dans ce domaine aussi, l'embargo reste un carcan, dans la mesure où les artistes ne peuvent se rendre sur la terre la plus proche de leur île, les États Unis d'Amérique. 

Un autre aspect devenu culturel et patrimonial aujourd'hui, est un cas unique et mérite d'être relevé. Les vieilles voitures américaines ont quelque chose de surréaliste et en même temps elles donnent le sentiment d'être éternelles ou que le temps s'est figé. Encore aujourd'hui, plusieurs dizaines de milliers de ces véhicules, toutes marques et couleurs confondues sont en service. Elles sont au moins aussi vieilles que la révolution en 1959. Si le plaisir des yeux est là, la pollution dégagée par les gaz d'échappements est une gêne évidente. Néanmoins, cela nous amène à réfléchir sur l’évolution de nos sociétés occidentales et le rapport à la consommation où l'économie libérale impose aujourd'hui que les choses ne durent pas. Il y a probablement un juste milieu à trouver entre ces deux extrêmes. 

En général, les gens mangent à leur faim à Cuba, il y a beaucoup de terres agricoles et le pays a développé une forte production dans le domaine agroalimentaire, même s'il semblerait que ce domaine, soit moins prospère que par le passé. A Santiago par exemple, la deuxième ville du pays, Julietta notre logeuse est très réaliste sur la situation du pays. Elle n'est pas facile dit elle. "Santiago dans un temps lointain était une cité ou il y avait entre 15 et 20 usines de production de canne à sucre, aujourd'hui il en reste 3 et la production est exportée. Les cubains utilisent le sucre du Brésil mais qui n'a pas les mêmes qualités gustatives".  

Mais la canne à sucre, la banane, le café, le cacao et le tabac restent et représentent encore une ressource importante, comme l'élevage de bovins et chevaux....

Les 3400 kilomètres parcourus durant ce séjour en près d'un mois nous auront permis de constater la variété de la faune et de la flore, la beauté de la forêt tropicale, mais aussi le travail de la terre, parfois avec des méthodes ancestrales, mais minutieusement exploitée pour donner de la ressource...

Car l'industrie n'est pas le point fort, même si la ville de Moa au Nord Est de l'île, place Cuba au 8ème rang mondial pour la production de nickel. 

Enfin, le secteur du tourisme. Il est devenu aujourd'hui le moteur du développement. C’est dans ce domaine surtout que Cuba semble s'être adapté le plus et ceux qui ont connu le pays il y a 15 ou 20 ans, trouvent que Cuba à déjà bien changé. 

Tous les jours, l'aéroport José Marti de la Havane et celui de Santiago de Cuba, déversent des milliers de touristes dans le pays. Beaucoup vont se concentrer dans les grands hôtels en ville ou sur la côte, en mal de belles plages.  D'autres vont utiliser quelque chose qui est relativement nouveau à Cuba, et qui a permis tout en diversifiant l'offre, d'assurer en général une excellente prestation, les "Casa Particulare", des chambres d'hôtes chez l'habitant. L'économie du tourisme est ainsi devenue le premier apport de devises pour Cuba et c'est probablement pour une part non négligeable, ce qui permet au pays de résister à l'embargo américain. C'est une activité en plein essor, génératrice de nouveaux emplois pour certains et, un complément de salaire pour d'autres.

Le tourisme à ainsi développé des petits boulots et notamment dans les villes, le travail de"rabatteur", celui qui vous propose une "Casa Particulare, ou un restaurant" et qui a trouvé ainsi dans la situation économique difficile du pays, un moyen de gagner un peu d'argent et d'arrondir les fins de mois. A Santiago notre rabatteur s'appelle Felix, il a 56 ans et bénéficie d'un travail de fonctionnaire, "mais la vie est chère et pas facile" nous dira-il. Félix nous apprend qu’il y aurait "un millier de Casa Particulare, rien qu'a Santiago et que c'est Raul Castro qui a assoupli la politique cubaine en ce domaine".

Jacques Casamarta

A suivre.

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