Gauche alternative en Corse
Comme on pouvait s’y attendre, le clan Sarkozy a lancé l’offensive contre les juges d’Instructions qui ont délivré les commissions rogatoires des surveillances techniques des téléphones utilisés par Nicolas Sarkozy et son avocat Maître Herzog. D’abord deux roquets de l’UMP sont venus denoncer haut et fort le scandale sur des chaînes télévisées, prétendant que les écoutes étaient illégales. Mais cela n’a pas suffi.
Des avocats ont lancé une pétition d’autant plus que Sarkozy est lui-même inscrit au Barreau de Paris. A la tête de la fronde, on trouve Maitre Eric Dupont-Moretti, surnommé acquittator en hommage à tous les acquittements qu’il a obtenus. Depuis juin 2013, il assure la défense de Bernard Tapie et plus précisément « juridiquement et médiatiquement » les sociétés de son groupe des « attaques et mensonges » dans le cadre de l'enquête sur l'arbitrage dans son conflit avec le Crédit lyonnais.
Maître Francis Szpiner est monté aussi au créneau. Aux élections législatives de 2002, il se présenta sans succès contre Arnaud Montebourg en Saonne et Loire. Dans le livre Les frères invisibles, les journalistes Renaud Lecadre et Ghislaine Ottenheimer affirment que Szpiner fut l'un des principaux associés maçonniques de Jacques Chirac, dont il fut un proche conseiller depuis 1994 et qui l'a promu en 2005 officier de la Légion d'honneur. Pour les législatives de 2012, Francis Szpiner est choisi, à la demande de Jacques Chirac, comme suppléant d'Éric Raoult en Seine Saint Denis Ce dernier fut défait. Francis Szpiner revendique son appartenance à la loge République du Grand Orient de France
On trouve aussi Maître Henri Leclerc qui a présidé la ligue des droits de l’homme et du citoyen, proche du parti socialiste… Il sert de caution morale et clame son objectivité prouvée selon lui par ses amitiés dans le parti socialiste et le fait qu’il a défendu de Villepin contre Sarkozy. Tous les autres citent son soutien et cela doit enfler l’égo du grand maître.
Les grands noms du Barreau se serrent les coudes. Parmi eux, on relève la présence de francs-maçons. Ils sont alors doublement frères. Pourtant les écoutes auraient été réalisées selon les règles de droit et le bâtonnier - Me Christiane Féral-Schuhl (que Le Figaro n'a pas pu joindre vendredi), a d'ailleurs dû être informée à l'époque des surveillances dont l'ancien chef de l'État allait faire l'objet, ainsi que de celles visant Claude Guéant, qui a rejoint le barreau à son départ du gouvernement. Par ailleurs, les écoutes peuvent se poursuivre si l’avocat est mêlé à un éventuel délit. «Le secret professionnel n'est pas un pavillon de complaisance destiné à abriter je ne sais quelle turpitude » et c’est un ancien bâtonnier que le dit en la personne de Me Christian Charrière-Bournazel.
Alors que le clan Sarkozy dénonce un complot politique, comment peut-on appeler cette attaque concertée contre des juges d’instructions par des politiques et des avocats dont certains apparaissent comme des meneurs pas si objectifs qu’ils le clament? Des avocats osent même tous les amalgames en disant que les journalistes sont plus protégés que les avocats. Pour eux, il n’y a pas de droit de la défense sans secret absolu et ils dénoncent un abus de pouvoir absolu. Deux absolus qui s’affronteraient ? "La seule chose absolue dans un monde comme le nôtre, c'est l'humour", disait Albert Einstein. Cette fronde des avocats a quelque chose de risible lorsque l’on imagine qu’ils font des effets de manches en voulant démontrer qu’ils ont le bras long dans cette république où l’on ne compte plus les politiciens inscrits au Barreau.
Sarkozy voulait la peau des juges d’Instruction à l’époque où le magistrat Gilbert Azibert (aujourd’hui soupçonné de trafic d’influence) secondait Rachida Dati au Ministère de la Justice. L’ex-Président a trouvé chez ses amis et confrères avocats des alliés contre les magistrats assis. Il a aussi trouvé des amis chez les magistrats debout du Parquet. Ce ne sont certainement pas les avocats soucieux d’une justice indépendante qui signent la pétition lancée contre des juges car ces juges incarnent cette indépendance qu’on veut leur faire perdre.
Les droits de la défense ont-ils été bafoués ? En ce qui concerne les écoutes, elles ont été faites sur des lignes téléphoniques ouvertes à des noms d’emprunt, nous explique-t-on. Les règles procédurales ont été respectées et le bâtonnier du barreau de Paris le confirme. Qui complote ? Les utilisateurs de ces téléphones à des noms d’emprunt où les policiers chargés de les écouter dans le cadre d’une instruction judiciaire ? Où s’arrête le rôle d’un avocat ? Peut-il impunément être l’intermédiaire d’un trafic d’influence, un corrupteur, celui qui va éventuellement faire des menaces à des témoins ou qui détruit des preuves et fait entrave à la justice ? Son travail était-il de traquer les vices de procédure pour offrir à son client l’impunité ? Doit-il user de toutes les procédures dilatoires pour que les victimes aient le temps de se lasser ou de mourir ? Jusqu’où peuvent aller les droits de la défense prétendument violés ?
Cette pétition des avocats intervient dans des dossiers dont l’instruction judiciaire est déjà complexe. Elle constitue une fois encore une attaque intolérable contre des juges d’instruction. Cela devient une habitude. C’est une ingérence dans le travail des juges d’instruction que l’on veut déstabiliser. Nicolas Sarkozy et Maître Herzog ont les moyens de se défendre et de réclamer l’annulation des écoutes s’il le souhaite. Le battage fait par quelques avocats amis ou corporatistes apparaît comme une manœuvre médiatique hypocrite plutôt qu’une indignation spontanée.
Suivant que l’on soit puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendent blanc ou noir. Les grands noms du barreau ne défendent plus le misérable et se considèrent puissants. Nicolas Sarkozy a déjà joui d’une immunité présidentielle. Il est avocat. Lui faut-il maintenant le secours d’une centaine d’avocats pénalistes pour faire annuler des écoutes qui le compromettraient gravement ? Jusqu’où poussera-t-il le bouchon avec ses amis ? Si on en croit la Une du Journal Marianne, ils osent tout et c’est même à ça qu’on les reconnaît. Lorsque l’on écoute les extraits des enregistrements de Patrick Buisson, on ne peut que penser à une scène culte du film de Georges Lautner Les tontons flingueurs même si seuls les dialogues de Michel Audiard nous font rire.
Fucone