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Libre opinion
A propos de « La Marseillaise », quelques réflexions
« La Marseillaise », sœur aînée de « L'Internationale » ?
ou encore
A chacun sa « Marseillaise »
Le ministre de l'Education nationale, Monsieur Jean-Michel Blanquer vient de proposer récemment dans son projet «Ecole de la confiance » la présence du drapeau français et des paroles de « La Marseillaise » dans les classes.
Cela m'a conduit à repenser et revoir une série de réflexions sur « La Marseillaise », que j'avais eue à la suite de cette lamentable polémique au stade de Furiani (chanter/ne pas chanter « La Marseillaise ») en novembre 2015, après les dramatiques événements de Paris.
Je vous livre l'état de ma réflexion ci-après pour avis, critiques et commentaires ; bref, pour débat en toute liberté.
Composée par Rouget de l'Isle en 1792 pour l'armée du Rhin, elle fut chantée par les volontaires marseillais venus défendre « La patrie en danger » et alors nommée « La Marseillaise ». Elle fut déclarée « chant national » en 1795 et devint hymne officiel de façon concrète en 1879, avec la Troisième République.
Pour tous, c'est donc sans contestation aucune l'hymne national de la France. On l'entend dans toutes les cérémonies officielles, commémoratives mais également dans les stades lors des grandes compétitions de football ou de rugby ainsi qu'à l'occasion des Jeux Olympiques.
Elle marque, ou semble marquer, l'appartenance à la Nation française, la République française, de celles et ceux qui la chantent ou l'écoutent, debout, dans une sorte de garde à vous, bien réel pour certaines institutions comme l'armée ou la police.
Ceci est une réalité ! Mais est-ce la seule ?
Ce serait, à mon avis, une vision très restrictive de « La Marseillaise ».
Cette chanson, et surtout cette musique, me semblent en réalité bien plus que l'hymne national de la France.
J'ai idée que « La Marseillaise » est avant tout un chant UNIVERSEL Et en cela, elle serait même la sœur de « L'Internationale ».
Propos surprenant ? Pas si sûr si nous y regardons de plus près !
« L'Internationale » est aussi une chanson française et c'est aussi une chanson universelle. Ecrite par Eugène Pottier pendant les tragiques événements de La Commune en 1871, elle fut mise en musique par Pierre Degeyter en 1888. Elle connaîtra le destin que l'on sait.
« La Marseillaise » est donc historiquement la sœur ainée de la première mais également sa GRANDE sœur car encore « plus universelle » qu'elle.
En effet, si l'on se réfère aux paroles, « L'Internationale » s'adresse aux ouvriers et aux paysans, le « grand parti de travailleurs ».
« La Marseillaise » elle, s'adresse plus largement à l'ensemble des citoyens. Et c'est comme cela qu'elle est entendue et ressentie dans le monde entier.
Trois exemples pour illustrer ce dernier propos.
En 1924, lors de l'arrivée à Paris du premier ambassadeur de la jeune Union Soviétique, protocole oblige, la Garde Républicaine joue « La Marseillaise ». Elle devrait alors poursuivre avec l'hymne national soviétique. Mais silence... Le chef du protocole s'approche de l'ambassadeur et très confus et gêné, explique : « Nous n'avons reçu la partition du nouvel hymne national soviétique qu'hier et les musiciens ne se sentent pas prêts pour l'interpréter correctement ». Réponse de l'ambassadeur : « Aucun problème, rejouez « La Marseillaise », cela me convient parfaitement ». (Lu il y a quelques années dans une revue dont hélas je ne me rappelle plus le titre).
En 1931, la République est proclamée en Espagne. A Ségovie, c'est le grand poète espagnol Machado qui la proclame en hissant le drapeau républicain sur le fronton de l'hôtel de ville.
Et quel hymne fait-il jouer pour cela ? « La Marseillaise ».
Dans les années soixante-dix, Jean Ferrat se rend en vacances au Mexique. Plus tard, lors d'une émission télévisée avec son ami Michel Drucker, il raconte : « Un jour, nous arrivons dans un petit village pour aller voir une communauté agricole. Toutes les maisons et les rues sont pavoisées. Je demande aux paysans si c'est la fête du village. On me répond avec amusement que c'est le 14 juillet. Je fais remarquer la coïncidence entre cette date de fête de leur village et de fête nationale en France. Les habitants mettent alors les choses au clair : « Ce 14 juillet que nous fêtons chaque année n'est pas la fête du village, c'est celui de la France, l'anniversaire de la Révolution française et de la déclaration des droits de l'Homme. C'est donc aussi notre fête ». Et d'ailleurs, en ouverture de la fête, c'est bien la musique de « La Marseillaise » qui retentit aux oreilles du chanteur stupéfait.
Au vu de ces trois exemples, on pourrait se poser une question : Pourquoi. ?
Rares sont les personnes en France qui savent les paroles de « La Marseillaise ». Pour la plupart des gens, cela se résume aux huit premiers vers et au refrain.
A l'Etranger, les personnes qui connaissent les paroles de notre hymne national sont plus que rares ; on pourrait même dire qu'elles sont exceptionnelles, sans doute limitées à des diplomates et des intellectuels francophones mais aussi à quelques militants révolutionnaires.
Et pourtant, partout dans le monde, les Hommes entendent tous la même chose, les mêmes mots.
En effet, deux textes distincts viennent conjointement se superposer sur la musique. Bien entendu ceux qui connaissent les paroles de Rouget de l'Isle entendent d'abord : « Allons enfants de la partie, le jour de gloire est arrivé... ».
Mais, dans le même temps, de façon en quelque sorte subjective, une seconde petite voix, plus discrète mais bien audible résonne clairement dans leur tête. Cette voix est celle de « Marianne », et qui dit ceci : « Tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ».
Oui ! C'est bien cela que l'on entend, sans même trop s'en apercevoir, partout dans le monde, c'est l'ARTICLE UN de la « Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen » de 1789, que chacun connaît et qui unit tous les Hommes sur la musique de « La Marseillaise ».
Ce texte « Aux peuples étrangers qui donnait le vertige » comme l'a si bien chanté Jean Ferrat.
Et c'est bien en cela que l'on peut qualifier cet hymne national de chant universel.
Mais une autre question peut se poser : Y a-t-il une ou plusieurs « Marseillaise » ?
On est en droit, me semble-t-il de se poser cette question. Car « Les Marseillaises », selon le contexte, peuvent avoir très peu, voire aucun rapport ou point commun les unes avec les autres.
Cet aspect des choses peut être partagé d'ailleurs avec sa « petite soeur » « l'Internationale » et en fait un autre point commun.
Examinons deux exemples pour éclairer le propos.
Concernant « L'Internationale » d'abord
Quel rapport existe-t-ile entre :
d'une part, « L'Internationale » chantée, ou plutôt murmurée, par une centaine de personnes en 1973 au Chili lors de l'enterrement de Pablo Neruda, entre deux rangées de soldats du général Pinochet s'apprêtant aux arrestations avec les suites que l'on sait ;
et d'autre part, cette « Internationale » entonnée à la fin du banquet de l'Internationale socialiste où l'on pouvait voir, chantant en se tenant la main, entre autres, Shimon Peres qui aurait dû relever du Tribunal Pénal International pour complicité de crimes de guerre commis en Palestine ou encore le Portugais Mario Soares qui s'était attaché avec détermination à détruire tous les acquis sociaux de la « Révolution des oeillets » au Portugal ?
Je laisse au lecteur le soin de répondre.
Revenons à « La Marseillaise » et examinons trois situations.
Quel rapport entre :
d'une part « La Marseillaise » chantée à tue-tête sous la canonnade ennemie par les volontaires républicains, « Soldats de l'An II » à Valmy ou encore celle entonnée par Danièle Casanova et reprise en cœur par ses camarades en franchissant l'entrée du camp de concentration d'Auschwitz sous les coups des gardiens SS ;
et d'autre part « La Marseillaise » ou plutôt son seul refrain repris en boucle par certains spectateurs de certaines tribunes à l'occasion d'un match de foot-ball afin d'encourager une équipe à la peine.
Là encore, je laisse à chacun le choix de sa réponse.
Actuellement, le Ministre de l'Education nationale, Monsieur Blanquer, propose donc que « La Marseillaise » soit remise à l'honneur dans les classes de nos écoles.
Bonne ou fausse-bonne idée ? Mais en tout cas idée à creuser !
Pourquoi pas ? Encore faudrait-il accompagner cette proposition d'un véritable débat sur le sens profond de cet hymne avec les élèves et peut-être aussi d'ailleurs avec leurs enseignants.
Pour conclure ces quelques réflexions, je vous livrerai cette formule certes un peu laconique mais qui résume bien , je crois, mon propos :
« A chacun sa « Marseillaise » ! ».
Et bien entendu, le débat reste ouvert...
Jean Alesandri - 3 mars 2019