Gauche alternative en Corse
L’effort de moralisation de la vie publique s’est vite essoufflé et vient d’expirer sur l’hôtel du Conseil constitutionnel. Ce grand Conseil a certes validé la publicité du patrimoine des élus ainsi que la création d'une Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Il ne s’agit que de mesures symboliques et inopérantes. En revanche, le même Conseil vient de censurer, mercredi 4 décembre, plusieurs mesures contenues dans la loi destinée à lutter contre la fraude fiscale, adoptée le 5 novembre dernier par le Parlement. L’affaire Cahuzac n’aura au final pas changé grand-chose car ont été écartées toutes les dispositions donnant des moyens supplémentaires aux enquêteurs et renforçant la répression. Les conseillers ont "censuré la possibilité de recourir à une garde à vue de 96 heures avec report de la présence de l'avocat à la 48e heure", "s'agissant d'infractions qui ne sont ni des crimes ni des infractions d'atteinte aux personnes". Ils ont également censuré l'article 3, qui instaurait une amende calculée sur le chiffre d'affaires de la personne morale en cause, car, selon eux, la peine doit être proportionnelle à l'infraction. Le Fisc et les Douanes n’auront pas la possibilité de visites domiciliaires, sur le fondement de documents obtenus illégalement, par exemple lors d'une perquisition ensuite annulée par la justice. L'article 57 de la nouvelle loi ajoutait à la liste internationalement admise de dix "paradis fiscaux" tous les territoires avec lesquels la France n'a pas signé une convention d'assistance en matière de documents fiscaux. Le Président du conseil constitutionnel, Jean-Louis Debré, a précisé que cet article a été retoqué. Cet article devait entrer en vigueur le 1er janvier 2016, relève le Conseil, maisselon les informations communiquées par le gouvernement, la France n'a conclu à ce jour aucune convention bilatérale comportant une clause d'échange automatique de documents. De très nombreux États auraient donc été susceptibles d'être inclus dans la liste des États et territoires non coopératifs au 1er janvier 2016.
Il faut dire que la moralisation de la vie publique est passée dans les coulisses et que, en dehors de Médiapart, elle n’est plus présente dans les média. Entre l’Assemblée nationale, le Sénat et le Conseil constitutionnel, la loi a perdu toute sa substance. Faut-il s’en étonné ?
Pourtant, la pression fiscale est à l’origine de mouvements sociaux. Le Trésor public enregistre une augmentation des demandes de facilités de paiements avec reports d’échéances en cette fin d’année 2013, qui verrait s’accroître ce que l’on appelle le « Black » , c’est-à-dire le travail dissimulé et les ventes sans factures. La fraude fiscale représente plusieurs milliards d’euros. Ce sont 2000 milliards de fraude qui plombent l’Europe. En France, les chiffres donnés sont de 132 milliards d’évasion fiscale et 32 milliards de fraude à la TVA.
Le 15 novembre dernier, les ministres européens des Finances n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur un texte censé mieux lutter contre la fraude fiscale. Les questions fiscales requièrent l'unanimité des Etats de l'UE. Le Luxembourg et l'Autriche, qui bloquent les discussions depuis 2008, continuent de s'opposer aujourd'hui à l’échange automatique d’informations bancaires. Lorsque l’on constate le manque de volonté générale pour lutter contre la fraude fiscale, y compris en France, on comprend mieux la fin législative de la moralisation de la vie publique en eau de boudin. Si on regarde les performances en la matière, la France n’a pas de leçon à donner mais des exemples à suivre. Elle n’est qu’à la vingt-deuxième place des pays les plus vertueux dans le classement Transparency. Elle est derrière le Danemark, la Nouvelle-Zélande (1er ex-æquo), la Finlande, la Suède, Singapour, la Suisse, les Pays-Bas et l'Australie, qui figurent les bons élèves. Mais elle se positionne également après l'Allemagne (12e qui gagne une place), le Royaume –Uni (14e), la Belgique (15e) ou les Etats-Unis (19e).
Après son passage devant le Conseil constitutionnel, la loi de moralisation de la vie publique est donc la montagne de déclarations qui accouche d’une souris législative inoffensive. Rien d’étonnant ! Heureusement quelques journalistes continueront à faire sortir des affaires, comme dernièrement celle des époux Balkany. Histoire de pousser les politiques à ne pas escamoter le débat public qui, faute de mesures concrètes, reste permanent.
La loi de moralisation est une pantomime en trois actes. Le premier est l’affaire cahuzac. Le deuxième, la loi amendée et votée par le parlement. Le troisième, la censure du Conseil Constitutionnel. Ensuite le président de la République peut jouer l’innocent. Ce n’est pas mon gouvernement, c’est le Conseil constitutionnel. Le scénario est rôdé et on connaît les dindons de la Farce. Une tactique déjà utilisée par Nicolas Sarkozy notamment avec la loi sur la pénalisation du négationnisme. Hollande l’a reprise avec la baisse des salaires du Président et des ministres, avec la taxation à 75% des revenus au dessous d’un million d’euros et maintenant avec la loi dite « de moralisation de la vie publique ».
Nous avons encore assisté au jeu politique entre l’Assemblée nationale, le Sénat et le Conseil constitutionnel. Cette trilogie conduit à un blocage de la démocratie organisé par le bipartisme issu du mode électoral et un Conseil dit « des sages » qui rend des décisions conservatrices justifiées par des motifs opaques. La France est maintenue dans un système réactionnaire qui favorise les castes financières et politiques. Seule une grande réforme constitutionnelle rendra le pouvoir aux urnes, c’est-à-dire au peuple.
U barbutu