Nous avons ouvert le débat sur le Padduc avec un texte de Maria Giudicelli, conseillère territoriale, en charge du dossier. Nous publions la contribution d'un ami internaute. D'autres avis et autres appréciations sont la bienvenue.
" Quel modèle de développement pour la Corse à travers l'élaboration du Padduc ? "
Le 25 juin, le CESC en séance plénière adoptait un rapport, sur saisine de l’exécutif territorial, précisant ses orientations préalables pour l’élaboration du nouveau PADDUC.
Fruit de diverses contributions individuelles et d’une synthèse du représentant de l’Université de Corse, ce texte, bien que voté majoritairement, a été rejeté entre autres par la totalité des représentants des organisations syndicales de salariés, à l’exception du STC.
Ce texte marque un consensus fort sur des positions libéralo-nationalistes de la part de ce qui devrait être la représentation de la société civile. Pèle mêle mais finalement de manière très cohérente on y retrouve : les organisations patronales, les représentants des chambres consulaires, de la plupart des associations culturelles, des associations environnementalistes et de la vie éducative, des organisations syndicales agricoles et le STC.
Que dire du contenu :
Il inscrit l’élaboration des orientations du PADDUC dans les « réalités historiques, les traditions et les valeurs insulaires ». Aucune référence à des principes ou des valeurs universelles.
Le fondement de ce projet de développement se résume à la défense de l’identité, du patrimoine, de la culture, tout ceci décliné au singulier comme s’il s’agissait d’un concept unique et définitivement délimité.
Le concept d’identité manipulé en tant que matrice d’une conception d’une société est une pratique fort utilisée par les divers nationalismes. Il sert de bâillon à l’expression des conflits de classe, il muselle les revendications sociales. En proclamant une identité référente, il nie les identités individuelles dont le principe de laïcité se porte garant. Seule la justice sociale peut être ce ciment garant de la construction d’une société.
Deux exigences fortes sont avancées et positionnées stratégiquement à priori sur le terrain anticonstitutionnel :
-
Co-officialité de la langue corse, adoption de la charte européenne des langues minoritaires :
Il s’agit de passer à l’obligation (dans le texte : généralisation) de l’enseignement en langue corse au sein de la société civile, dans les formations professionnelles, avec la systématisation des évaluations individuelles.
Sont en jeu la probabilité de certaines formes d’interdictions professionnelles, ainsi qu’une remise en cause du statut de la fonction publique, notamment dans ses modes de recrutement, traduction du principe d’égalité d’accès aux emplois publics.
- Création d’un statut de citoyen résident corse, fondé sur la compétence culturelle (sic) et la domiciliation fiscale et conditionnant l’accès individuel à la propriété principale ou commerciale.
Il s’agit bien là de créer une sous catégorie de citoyens en Corse, privés d’un certain nombre de droits, remettant en cause un des principes fondamentaux du droit républicain : l’égalité de droit des citoyens sur l’ensemble du territoire national.
On note bien les complémentarités entre les deux démarches. La première exigence sur la langue (obligation, évaluation) préparant à la « compétence culturelle », critère ethnique exigé pour la citoyenneté corse.
Ce statut de résident serait selon les auteurs le moyen de régler l’accès au foncier et au logement des insulaires. Autrement dit il est question de régler une question de répartition des richesses et d’injustice sociale par des solutions à caractère ethniques ou culturelles.
L’état des lieux proposé pour la Corse est largement biaisé.
Si le constat de spéculation foncière, de coût élevé du foncier, de décalage avec le pouvoir d’achat de la population, de faiblesse des revenus en Corse, est mis en avant, sont occultés la persistance de l’absence de règlement de succession au profit des plus grosses fortunes locales ainsi que la plus forte disparité régionale de France localisée en Corse entre les plus riches et les plus pauvres
Le danger viendrait bien entendu de l’extérieur puisque 60% des achats de logements neufs en corse seraient le fait d’étrangers.
Les propositions classiques des libéraux apparaissent comme prévu.
Accentuation de la décentralisation, transfert de compétences accéléré mais sans aucune référence à la solidarité républicaine, aux systèmes de péréquations publiques qui sont la traduction de l’égalité de droit et de traitement républicaine.
Tout ceci nous conduit tout droit vers une accentuation de la mise en concurrence entre régions déjà instituée au sein de l’UE.
Et puis les inévitables exonérations de cotisations sociales et patronales figurent bien entendu dans ce texte, fragilisant les systèmes publics de protection sociale au profit des employeurs.
Le rejet de ce texte par les organisations syndicales de salariés (à l’exception du STC) a une signification qu’il sera nécessaire de retenir dans le cadre de l’élaboration du PADDUC."
Ajaccio, le 18 août 2012.
Claude PERRIN