Depuis les dernières législatives, Macron choisit son premier-ministre chez les partis les moins représentés pour en faire les supplétifs des macronistes, actuellement Ensemble Pour la République, ex-Renaissance, ex-En Marche. Il a d’abord usé Michel Barnier représentant une quarantaine de députés. François Bayrou a voulu saisir sa chance et a contraint Macron à le nommer à Matignon, faute de quoi la trentaine de députés Modem quittaient la Macronie. Bayrou avait raté Matignon avec Chirac. Le 21 Avril 2002 en fin d'après-midi. Il attendait que Jacques Chirac l'appelle pour lui demander de le rejoindre entre les deux tours et faire campagne contre Lionel Jospin, avec Matignon à la clé. Coup de théâtre : les premières indications donnaient Jean-Marie Le Pen au second tour. Jacques Chirac n'avait plus besoin de François Bayrou. Et pourtant, à 20h10, le téléphone sonne dans le bureau de Bayrou: c'est le chef de l'Etat: « Allo François ? Je voulais te dire que je t'emmerde » lui lança Chirac… Vingt ans plus tard, Bayrou doit arracher à Macron la clé de Matignon. Macron l’a nommé pour ne pas perdre la trentaine de députés Modem dans son « arc républicain » dont il a exclu les Insoumis et les Lepénistes.
Après avoir cru obtenir le soutien passif du Rassemblement National avec Barnier à Matignon, Macron a tenté de diviser le Nouveau Front de Gauche au sein duquel Hollande et consorts sont venus semer le trouble. Seul LFI a éventé la manœuvre en refusant de se prêter à la mascarade qu’ont été les entretiens de Macron avec le PS, le PC et les Verts. Le résultat est connu ! Macron était dans l’obligation de nommer Bayrou et il le savait. Tout le reste n’a été que manipulations et mise en scène. François Bayrou est l’un des premiers soutiens de Macron en 2017. Le maire de Pau est toujours menacé de poursuites judiciaires dans l’affaire des emplois fictifs du Modem au Conseil Européen. Lorsqu’il était ministre de l’Education Nationale, il a mis plus d’un million de manifestants dans les rues contre ses projets de réforme. Il a défendu les coupes budgétaires et l’augmentation de la TVA. Il est partisan de la « règle d’or » dans la constitution interdisant le déficit de l’Etat. Avec Macron, il a fait campagne pour le recul de l’âge légal de la retraite à 64 ans et certains de ses députés du Modem ont participé à empêcher le vote de l’abrogation de la réforme en multipliant les amendements pour clôturer sans vote.
Aujourd’hui, nous sommes devant une crise sociale et politique. Il n’y a pas de solution car le problème est Macron. La nomination de François Bayrou est une provocation de plus. Le fondateur du Modem a montré de la complaisance envers Marine Le Pen à qui il a apporté son parrainage en 2022 pour les Présidentielles. Plus récemment il l’a soutenue contre une éventuelle condamnation à l’inéligibilité. Pour l’instant, Marine Le Pen a favorablement réagi à la nomination de François Bayrou. Ce dernier a entretenu de bonnes relations avec certains socialistes ou ex-socialistes. Il pense que cela pourrait lui éviter une motion de censure, tout en poursuivant la politique de Macron pour finalement se présenter aux élections présidentielles. On peut imaginer que d’autres prétendants vont lui mettre les bâtons dans les roues au sein même de la Macronie. François Bayrou quittera Matignon, la paille au derrière et le feu dedans. C’est prévisible ! Que fera alors Macron ? Dissoudra-t-il à nouveau l’Assemblée nationale en Juin prochain ? Si Bayrou est renversé dans trois mois, nous serons en mars 2025. Macron devra nommer un troisième larron à Matignon qui devra atteindre juin. Macron n’a pas respecté les résultats des élections législatives comme l’avaient fait ses prédécesseurs. Il en a refusé les conséquences démocratiques qui imposaient de nommer à Matignon un Premier Ministre issu du Nouveau Front Populaire arrivé en tête. Il a usé pour cela du prétexte qu’est son souci de chercher une stabilité que n’offrait pourtant pas la nomination de Michel Barnier, pas plus que celle de François Bayrou. La logique était de laisser la candidate du Nouveau Front Populaire disposant d’une majorité relative de la conforter et d’obtenir une majorité absolue sur les votes de certains textes de lois. Lors du vote du budget proposé par le gouvernement Barnier, le NFP a prouvé que c’était possible en faisant voter plusieurs amendements qui auraient permis l’adoption du budget modifié. Au lieu d’aller au bout du vote, Michel Barnier a choisi de présenter le budget initial par le jeu de l’article 49-3, ce qui lui a valu la motion de censure prévisible mais que Macron a refusé de voir venir. La veille, il estimait encore qu’elle ne serait pas votée.
La dernière trouvaille de Macron est de promettre de ne pas avoir recours à l’article 49-3 à condition qu’il y ait un accord de non-censure avec l’opposition. Il promet l’abandon d’un article dont il a fait un abus antidémocratique contre celui d’un droit démocratique qui est de pouvoir censurer un gouvernement. François Bayrou va présenter un nouveau gouvernement concocté vac Macron et ensuite un budget qui, selon Marine Le Pen, sera issu d’un compromis. Avec qui ? Avec le Rassemblement national ? Marine Le Pen a déclaré qu’un terrain d’entente est possible. Il est possible qu’un deal ait été passé entre Macron et Le Pen, la non-censure contre la proportionnelle. Après avoir reçu d’abord Retailleau, Bayrou reçoit rapidement Marine le Pen. Ne doutons pas qu’ils vont parler non-censure, proportionnelle et migrants. On connaît les priorités de Bayrou.
Il est loi le temps où François Bayrou disait que, derrière Emmanuel Macron, il y a des intérêts financiers incompatibles avec l’impartialité exigée par la fonction politique. C’était peu de temps avant de le soutenir pour le propulser à l’Elysée. Il est le soutien historique de Macron. En 2017, il garantissait que Macron allait moraliser la vie politique. On a pu juger de cette moralisation inexistante et, au contraire, de la détérioration des mœurs politiques de Sarkozy à Macron inclus. Hier chantre de la lutte contre les atteintes à la probité, le nouveau premier ministre a multiplié ces derniers temps les déclarations polémiques en défense de mis en cause dans des affaires politico-financières.
François Bayrou n’est pas plus légitime que Michel Barnier. Macron, en le nommant, entretient la crise politique et refuse le résultat des urnes. Où veut-il en venir ? A-t-il l’intention de provoquer le blocage des institutions et d’avoir recours à l’article 16 de la constitution. Lors du vote de le censure du gouvernement Barnier, les macroniste ont agité la peur du chaos, allant jusqu’à parler de shutdown[1]. Les fonctionnaires et les retraités n’allaient plus être payés ? Cela s’est avéré rapidement faux. Des gens qui ne payaient pas d’impôts allaient être imposés parce qu’ils n’allaient pas bénéficier de l’allégement des barèmes fiscaux alignés sur l’inflation ! C’est faux et les augmentations des retraites vont restées indexées sur l’inflation alors que Barnier voulait supprimer l’indexation. Des mensonges ont été faits en séries et relayés par la propagande médiatique. Le chaos était promis et l’est encore ! Macron n’a plus que la peur comme argument. Moi ou le chaos ! On connaît la chanson. C’est un vieil air réactionnaire.
Macron doit démissionner dans l’intérêt général qu’il proclame pour former un nouveau gouvernement. La question principale reste celle de sa démission. Il est temps qu’il ne cause plus de pertes et de dégâts à la France. Il devrait montrer plus de dignité et de respect pour la fonction qu’il a dépréciée. Une majorité des Français dont de nombreuses personnalités demandent son départ. Sa présence à l’Elysée est devenue indécente.
La vérité est qu'Emmanuel Macron s’enlise . Il n’arrive pas à reconstituer la majorité qu’il a perdue. Son impopularité est installée. Il n’a plus de légitimité et de crédibilité. La Macronie se délite. Il est mis en cause sur sa politique et sur ses pratiques.
À Bruxelles, il ne fait plus le poids avec Mme Von der Leyen qui a signé le Traité du Mercosur dans son dos. Il a convié Donald Trump à l’inauguration de la restauration de Notre Dame de Paris mais le nouveau Président des USA ne lui facilitera pas sa fin de mandat sur la scène internationale, en commençant par le conflit en Ukraine. La question de sa démission est posée en France et à l’Etranger. Il ne contrôle plus grand chose. Tout lui échappe. Il comptait sur son fidèle Sebastien Lecornu pour se sortir de l’ornière mais Bayrou s’est imposé. Son narcissisme n’a plus rien pour se satisfaire. Il sombre dans des névroses qui peuvent entraîner des conséquences graves pour les Français dans un contexte international compliqué. Il n’assume pas ses responsabilités. Il est insensible. Il dérape souvent. " Je leur ai jeté une grenade dégoupillée dans les jambes ! » Il a dit cela en décidant seul de la dissolution. Il est clivant, brutal. On dirait qu’il prend du plaisir dans les conflits qu’il suscite. Le conflit permanent est son carburant. Il qualifie d’anti-républicain tout ce qui dérange son autocratie au mépris de la constitution et de la liberté d’expression des opinions politiques.
Macron a dit le 5 décembre dernier : "Ma responsabilité exige de veiller à une continuité de l'État, au bon fonctionnement de nos institutions, à l'indépendance de notre pays et à votre protection à tous". C’est pour cela qu’il doit partir. Son épouse aurait dit à l’actrice Arielle Dombasle que les Français ne méritent pas son mari. En effet, on peut ajouter que les Français ne méritaient pas la casse sociale et un si piètre Président de la République. Les Français ne méritaient pas ce couple présidentiel méprisant.
La démission de Macron va bien dans le sens de l’intérêt général ! C’est la seule solution au problème que pose son maintien à l’Elysée. C’est la seule solution politique pour résoudre la crise par la voie démocratique qu’offrirait une nouvelle élection présidentielle.
Jean Frade
[1] Outre-Atlantique, l’absence d’accord au Congrès sur le budget met le pays à l’arrêt, on parle alors de « shutdown » : certaines administrations ferment et les fonctionnaires fédéraux ne sont plus payés. Grâce au principe de continuité des services publics, qui empêche leur interruption au nom de l’intérêt général, la France n’est pas théoriquement exposée à un tel risque.