Le Forum Social Mondial de Tunis
(26 au 30 mars 2013)
Tunis
« La révolution de la dignité souhaite la bienvenue aux participants du Forum Social Mondial de Tunis »
Le Festival Social Mondial (FSM) a eu lieu cette année du 26 au 30 mars 2013, à Tunis. Les altermondialistes venus des quatre coins du monde, représentants de la société civile, ont participé et animé des espaces ouverts de dialogues et d’idées sur le thème : « un Autre Monde est Possible ».
Après les FSM de Porto Alegre (Brésil), Mumbaï (Bombay Inde), Polycentrique (Caracas-Venezuela, Bamako-Mali, Karachi-Pakistan), Nairobi (Kenya), Belém (Brésil), Dakar (Sénégal), c’est Tunis (Tunisie) qui reprenait le flambeau de la construction de cet autre monde affranchi des pouvoirs de l’argent et redonnant à l’humain toute sa place. En cause et très clairement dénoncées, les multinationales et les banques, mais aussi des organisations comme le Fonds Monétaire International, la Banque Mondiale, l’Organisation Mondial du Commerce…Le Forum Social Mondial est une alternative au Forum Social Economique. On y a parlé, des méfaits du colonialisme et de l’impérialisme. On y a parlé des femmes et de leurs combats pour la défense de leurs droits. On y a parlé des jeunes et de la place prépondérante qu’ils doivent occuper dès maintenant. On y a parlé des hommes qui au sacrifice de leur vie, depuis des décennies, ont fait front et courageusement se sont opposés à une machine infernale qui broie l’humain et le transforme en monnaie sonnante et trébuchante…et ce n’est pas hélas une métaphore.
Le FSM offre des pistes de réflexion et d’échanges dans un espace où la parole circule, argumente, s’échange et propose des solutions, des projets pour fédérer et construire dans l’unité. Mais le monde doit faire face à une crise globale qui concerne la planète entière au-delà des clivages Nord/Sud. Il est aujourd’hui urgent de s’unir dans une démarche commune, de réunir ses forces vives qui luttent partout dans le monde. Le capital a su s’organiser, faisant fi souvent de toute morale, pour mettre en place un esclavage « moderne ». Les altermondialistes sans complexe doivent s’unir pour s’affranchir d’un monstre que l’on commence à peine à désigner.
Tunis et la Tunisie, choisie pour l’espoir suscité par le printemps arabe, a vu sa parole libérée tout en se retrouvant confrontée à des lendemains douloureux. Pour beaucoup la « révolution commence ». Maintenant.
« Lorsqu’un jour le peuple veut vivre. Force est pour le Destin, de répondre… » Extrait d’un poème d’Abou El Kacem Chebbi, poète tunisien ayant vécu au début du XXème siècle et que certains considéraient, en son temps, comme un visionnaire.
Un hommage soutenu à Chokri Belaïd, opposant de gauche tunisien assassiné le 6 février 2013, a été rendu tout au long du FSM, pour ne pas oublier qu’on ne peut impunément bafouer la démocratie et disposer ainsi des hommes. L’histoire, à travers le monde, nous montre combien la parole est importante, dangereuse aussi mais comme le dit le chanteur engagé burkinabé Samsklejah « Tu parles, tu meurs, tu ne parles pas, tu meurs quand même… Alors tu parles ».
Plusieurs milliers d’organisations étaient représentées dans la grande manifestation qui, au départ de la place du 14 janvier, a investi la grande avenue Mohamed V, jusqu’à la place El Menzah de Tunis. Slogans, banderoles, groupes, beaucoup de jeunes, des hommes mais aussi des femmes, beaucoup de femmes…des drapeaux côte à côte, Tunisien, Palestinien, Algérien,… Toute une foule réunie et unie dans un même élan, côte à côte, main dans la main pour participer à l’utopie « Un autre monde est possible ». Oui, c’est possible, chacun l’a scandé, l’a brandi, l’a porté… L’utopie qui comme le dit l’écrivain uruguayen Eduardo Galeano « je me rapproche de deux pas, elle s’éloigne de deux pas. Je chemine à dix pas de l’horizon et l’horizon s’enfuit dix pas plus loin. Pour autant que je chemine, jamais je ne l’atteindrai. A quoi sert l’utopie ? Elle sert à cela : cheminer ». Il est rassurant de savoir que les personnes cheminant ainsi sont nombreuses dans le monde. Leur nombre grossit sans cesse et les chemins se croisent toujours un jour ou l’autre.
Les ateliers et débats du FSM ont eu lieu sur le site de l’Université El Mansar. Beaucoup d’associations, on ne pourra les citer toutes, mais certaines en particulier, y participaient. Des combats pour le respect des droits humains.
Des femmes très présentes avec notamment l’Association Tunisienne des Femmes Démocrates luttant pour le respect de leurs droits qui doivent être respectées pour accéder à leur émancipation. Des femmes dénonçnt un pouvoir en place, un parti Ennahda qui tend vers une limitation des droits des femmes.
Les différentes associations tunisiennes qui se sont constituées par centaines, au lendemain du 14 janvier 2011.
L’association des enfants disparus du 29 mars 2011, ces enfants qui ont quitté leurs familles pour embarquer en direction de Lampedusa et qui ne donneront, à partir de ce jour, plus signe de vie. Que sont-ils devenus ? 500, 1000, 1500 tunisiens ont ainsi disparu, que leur est-il arrivé ? « Nous chercherons nos enfants jusqu’à notre mort », disent les mères en brandissant la photo de leur enfant. Des associations engagées, comme Elamel, participent à la recherche de la vérité.
L’atelier Thomas Sankara organisé par le collectif Baraka, Per a Pace, Survie, le CADTM, AfricAvenir et GRILA, Thomas Sankara, visionnaire lui aussi de son temps et tellement dans le temps encore. 25 ans après les idées ne meurent pas. Celui qui pendant 4 ans a organisé la révolution économique, culturelle pour sortir son pays de la misère, parvient à l’autosuffisance alimentaire et se heurte à la France qui veut garder le contrôle et profite financièrement d’une Afrique en retard. Celui qui milite pour l’émancipation de la femme, donne des postes aux femmes au plus haut niveau de l’Etat, fait du 8 mars une journée importante où l’homme remplace la femme dans ses activités quotidiennes, lutte contre les pratiques rétrogrades de cette société qui pratique l’excision et le mariage forcé…est assassiné pour avoir voulu que son pays et au-delà l’Afrique vive Libre, vive Digne, vive Africain.
Dans le cadre des échanges avec la Tunisie, les associations Per a Pace (Pour la Paix) et APTC (Association Populaire des Tunisiens en Corse) d’Ajaccio, qui développent des actions de solidarité et d’échanges avec la Tunisie depuis 2011 ont pu sur place, grâce à leur rencontre avec l’Union Tunisienne de Solidarité Sociale et l’UGTT préparer leur prochaine action en juin prochain qui acheminera entre autres, des lits médicalisés, tables d’accouchement, petit matériel médical, fauteuils pour personnes handicapées, vélos, couvertures…. dans la région de Jendouba et plus principalement dans la ville de Ghardimaou (hôpital, centre de jeunesse et collège d’Aïn Soltan…).
Beaucoup d’engagements, on s’en rend compte, en ce lieu symbolique où, en plein centre-ville, avenue Bourguiba, les barbelés sont déroulés sur des centaines de mètres. Beaucoup d’espoirs, beaucoup d’attentes aussi. Les échanges sont des moments privilégiés où chacun se rencontre et se rend compte que beaucoup d’autres sont dans le même combat. Un Autre Monde est Possible, n’en doutons pas, n’en doutons plus. L’engagement est une force dont il faut se nourrir. Il n’y a pas de renoncement possible.
Jacques Casamarta et moi-même, engagés avec Manca Alternativa (Fase), avons pu également rencontrer Clémentine Autain. Celle-ci était invitée au meeting du pôle démocratique moderniste « Al Qotb » (l’Etoile) pour le rassemblement des forces progressistes de la gauche, le 29 mars au Palais des Congrès de Tunis. Elle y a réaffirmé, haut et fort, le besoin de construire l’unité, de fédérer le peuple, de rompre avec le capitalisme, d’inclure un féminisme plus conséquent et d’aborder la question de l’écologie avec une critique du productivisme et du consumérisme.
Clémentine Autain sera en Corse le 20 avril 2013 à l’invitation de Manca Alternativa pour échanger et débattre ENSEMBLE.
Pascale Larenaudie