Gauche alternative en Corse
Dieu créa divers animaux,
Il fit des bœufs et des chevaux.
Je comprends le cheval qui rue
Contre le joug et la charrue,
Mais un bœuf faisant le cheval
Serait un bien sot animal.
(Livre II, FABLE VI, d’Eliphas Lévi. Le cheval et le bœuf).
Il existait un cheval bucéphale, nom d'une race thessalienne réputée, distinguée par une marque en forme de tête de bœuf sur l'épaule ou sur la hanche du cheval. Il est cité dans la mythologie grecque comme le cheval dompté par Alexandre. Bucéphale est aussi le nom donné à l'un des chevaux du groupe ornant la fontaine de la place du Quirinal, à Rome et au cheval du baron du Münchhausen, aussi célèbre que le Rossinante de Don Quichotte. Mais il ne s’agit pas de faire l’apologie des chevaux illustres quoique jouer le Don Quichotte, cela s’avère parfois nécessaire. Un extrait de l’œuvre de Cervantès dit : « « La fortune est une créature fantasque, toujours ivre, et aveugle par-dessus le marché : aussi, ne voit-elle point ce qu’elle fait et ne sait-elle ni qui elle abat, ni qui elle élève. » En projetant ces mots dans l’actualité, on peut dire que pour faire du fric, la filière bovine ne sait plus qui elle abat et qui elle élève.
De la viande achetée en Roumanie par une entreprise du pays basque, qui revend au Luxembourg, qui revend à Findus ! Et chaque intermédiaire remplit son tiroir caisse. Quoi d’étonnant à ce que des filières deviennent des maffias et mettent du cheval dans la viande de bœuf. Ils truquent les courses de la ménagère. Au moment où Findus a lancé une campagne de publicité sur le thème de la relocalisation, le cheval roumain vient ruer dans les barquettes cuisinées.
Auchan, Casino, Carrefour (sous les marques Carrefour et Grand Jury), Cora, Monoprix et Picard...Six grandes marques de supermarchés français ont retiré de leurs magasins en France des produits fournis par Findus et Comigel susceptibles de contenir de la viande de cheval. Le gouvernement a annoncé qu'une réunion de crise avec les responsables de la filière viande se tiendra ce soir à Bercy. Des perquisitions sont en cours dans les sociétés Comigel et Spanghero.
Des mesures de rétorsions vont être prises à l'encontre des fraudeurs, nous assure-t-on. Il ne reste qu’à espérer que l’enquête des fins limiers de la répression de la fraude ne débouchera pas sur la piste de deux chevaux déguisés en vaches folles dans une boite de nuit de Bucarest, où on taille la bavette en fumant du hachis avant de prendre le coup de l'étrier. Le président de la fédération Bovine, Monsieur Chevalier (ça ne s’invente pas) assure qu’il est à cheval sur les principes. Il a déclaré à la presse : « C'est la première fois que nous sommes confrontés à un phénomène de tricherie consistant à faire passer de la viande de cheval pour de la viande de bœuf. Nous avons atteint le summum et sommes traumatisés compte tenu des efforts que nous avons consentis en France pour la traçabilité de la viande bovine garantie par le logo VBF ». Pourtant en matière de fraude la maison Spanghero ne serait pas à son galop d’essai. Elle avait été impliquée jadis dans une affaire de carambouille de viande en Corse. Qui s’en souvient ? En 2011, elle a dû retirer des lots de viandes avariées dans différents supermarchés, y compris en Corse.
Dans un communiqué du 9 février la société Spanghero explique n’avoir été qu’un intermédiaire entre son client et le fournisseur roumain. Elle se réserve le droit de déposer plainte. On remarque toutefois que cette fraude semble avoir été organisée avec un circuit complexe qui ressemble à ceux des carambouilles. Ce n’est donc pas la première fois en quelques années que la société Spanghero se trouve dans ce type de filière.
On se souvient des frères Spanghero qui ont participé à des équipes de rugby qui ont fait le bonheur des aficionados des stades. Dans un match, ils semblaient toujours avoir mangé du cheval. Ils savent comment botter en touche mais ils se retrouvent au milieu de la mêlée frauduleuse. Arriveront-ils à s’en extraire sans le ballon ? Recevront-ils le coup de pied de l’âne ? Que leurs vieux fans se rassurent, les frères Spanghero ont vendu leur nom comme marque commerciale en 2009.
En Corse, des industriels de la viande ont introduit le saucisson d’âne comme une fausse spécialité corse. Les supermarchés insulaires sont touchés par la fraude actuelle. Nous le voyons, cette affaire de fraude internationale nous donne à réfléchir. Souvenons-nous du dicton « U sumere chjama petine u cavallu » (L’âne traite le cheval de péteur). On voit les défauts des autres mais pas les siens. Il ne faudrait pas que la Corse soit un débouché pour ce type de filière. On fabrique de la charcuterie corse avec des cochons chinois. A savoir si on ne nous met pas de l’âne roumain dans le saucisson. C’est aux détaillants de respecter le consommateur en vérifiant les produits corses qu’il propose. C’est aux producteurs corses de défendre leurs produits du terroir qui fait l’objet d’une concurrence déloyale avec la mise sur le marché de produits à la traçabilité insuffisamment précise.
Au-delà de l’affaire en elle-même, se pose le problème de la traçabilité des aliments dans le marché européen. On vient de réaliser à nouveau que des filières peuvent s’organiser pour tirer sans scrupule toujours plus de profit. Après le plombier roumain dans vos cuisines, voilà le cheval roumain dans des plats cuisinés. Aujourd’hui, les produits ont été retirés «du fait d'une non-conformité d'étiquetage quant à la nature de la viande», selon la fédération des professionnels, qui regroupe une bonne partie des distributeurs français. Demain, pour que cela ne se reproduise pas il faudra instaurer un contrôle de l’ADN des viandes. Toute cela laisse songeur. Si des contrôles d’ADN avaient été faits dans la passé, on aurait peut-être trouvé dans les plats cuisinés du serpent, du rat, du chien, du chat… Peut-être de l’humain ? Qui sait !
Pidone