• La république des acoquinements

    La républiques des acoquinementsEntre la classe politique et le patronat, il y a des porosités qui ne sont que peu dénoncées. On s'acoquine, on se distribue des fromages. Décidément, nous sommes dans la république des copains et des coquins.  Le comité de nomination et de gouvernance d'Air France-KLM cherche un successeur à son PDG démissionnaire Alexandre de Juniac qui avait été nommé à sa sortie du cabinet de Christine Lagarde, à l’époque ministre des finances en cours de transfert au FMI. De 1993 à 1994, il devient conseiller technique au cabinet de Nicolas Sarkozy (alors ministre du Budget et porte-parole du gouvernement), chargé des dossiers de la fonction publique, de l'éducation nationale, de la culture et de la communication. Il est ensuite directeur adjoint, chargé des questions relatives à la communication au cabinet de Nicolas Sarkozy, au ministère du Budget, porte-parole du gouvernement, de 1994 à 1995. De 2009 à 2011, il est le directeur de cabinet de Christine Lagarde, ministre de l'Économie, de l'Industrie et de l'Emploi. En novembre 2011, la commission de déontologie d'Air France valide la nomination d'Alexandre de Juniac au poste de président-directeur général de l'entreprise le 16 novembre 2011. Le 5 avril 2016 il est annoncé qu’Alexandre de Juniac va quitter la présidence d’Air France-KLM pour rejoindre la direction générale de l'IATA, l'Association internationale du transport aérien. Il devrait occuper ce nouveau poste au plus tard le 1er août 2016. Les trois membres peinent à s’entendre sur le nom de son successeur qui devra être choisi avant le 3 mai prochain.

    Le président de ce comité est  Jean-Dominique Comolli, un énarque, ancien directeur général de l'Agence des participations de l'État. Au grand dam des personnels d’Air-France/KLM, il a proposé un haut fonctionnaire, collègue et ami des cabinets des gouvernements de gauche dont il est issu : Véronique Bédague-Hamilius, la directrice de cabinet de Manuel Valls.  Cela fait hurler les personnels d'Air France comme de KLM.

    Ronald Noirot,  représentant  syndical de la CFE-CGC de la compagnie nationale, dénonce le copinage et met en avant les compétences de Frédéric Gagey, l'actuel patron d'Air France, « le seul dirigeant français qui ait l'aval des Néerlandais de KLM en même temps que de la majorité des partenaires sociaux français avec les compétences nécessaires pour diriger le groupe AF-KLM ». Bien sûr, Jean-Dominique Comolli s’oppose à tout candidat interne. Frédéric Gagey avait été mis à l’index par  l'équipe de Juniac, notamment lors des négociations sociales et du redressement financier. Un autre candidat s’est révélé trop cher. Fabrice Brégier affiche un salaire de 6 millions d’euros chez Airbus

    La républiques des acoquinementsFinalement il apparaîtrait qu’un énarque tienne le bon bout : Jean-Marc Janaillac, PDG de Transdev, apparu au capital de la SNCM. C’est la fameuse filiale de Véolia dont les marins et salariés de la compagnie maritime pourraient parler. Surtout toutes celles et tous ceux qui se retrouvent au chômage, abandonnés par cet actionnaire et l’Etat. Ils l'ont subi. Au moment de la liquidation judiciaire de la SNCM, Janaillac était aux commandes de Transdev et a fait valoir que la compagnie maritime ne pesait pas lourd dans le chiffre d’affaires de la filiale de Véolia. Une façon de dire que Véolia/Transdev se débarrassait d’une quantité négligeable, personnels compris.

    De Juniac à Janaillac, les salariés d'Air-France/KLM pourraient en avoir encore  leur claque... 

    Janaillac est donc le PDG de Transdev, filiale de Véolia. Monté à Paris après le lycée, M. Janaillac a hésité un temps à intégrer Normale-Sup. « Je m'étais inscrit en hypokhâgne mais je n'avais pas envie d'être prof et mes parents estimaient plus raisonnable de faire HEC », explique-t-il. Une fois son diplôme en poche, il intègre l'Ecole nationale d'administration (ENA), dans la fameuse promotion Voltaire, celle de François Hollande, Ségolène Royal, Michel Sapin, Jean-Pierre Jouyet, Dominique de Villepin, Henri de Castries (PDG du groupe Axa)…

    « C'est quelqu'un de courageux, qui dit les choses et agit en tenant compte des réalités », abonde Jean-Pierre Jouyet, l'actuel secrétaire général de l'Elysée (Il a été ministre de Sarkozy), qui le connaît depuis 1976 : les deux hommes ont fait ensemble leur service militaire, à l'école d'artillerie de Draguignan (Var), avec Jérôme Bédier, le lobbyiste de Carrefour, un autre proche.

    Ne soyez pas mauvaises langues ! François Hollande et son secrétaire général Jean-Pierre Jouyet ne sont pour rien dans le choix de leur collègue de promotion, même si l’intéressé serait un invité fidèle des fameux « petits déjeuners du lundi ». La journaliste du Point, Mélanie Delattre a raconté que, en 2012, des vieux amis et de jeunes technos alimentaient la boîte à idées du candidat Hollande. La boîte à idées s’est transformée en boîte à outils. Au bout de quatre ans d’ouvrage, on sait ce que cela a donné.

    Assumant une sensibilité de gauche (On connaît la suite, la voici !), «mais plus sociale libérale que gauche intégriste » (C’est un de ses collaborateurs qui le dit, notez le qualificatif « intégriste » !), Janaillac n'aurait pourtant pas voulu rejoindre l'Elysée lors de la victoire de François Hollande, resté un ami. « On lui a proposé le poste de directeur de cabinet mais il a refusé », reconnaît M. Jouyet. « Je voulais rester dans le privé, parce que l'entreprise, ce n'est pas que la lutte des classes, les conflits, c'est aussi riche de rapports humains », explique l'ami énarque. Tout un programme ! De Janaillac à Macron, il n’y a qu’un pas. Il a été franchi allègrement par François Hollande.

    Jean-Marc Janaillac « assume une sensibilité de gauche plus social libérale que gauche intégriste ». Cette formulation est une litote. Il faut comprendre qu’il est politiquement de droite mais qu’il a des amis politiques classés à gauche parce que membres du parti socialiste. Ce langage est clair pour tous les énarques habitués à utiliser toutes les figures de rhétorique pour en dire moins tout en laissant entendre davantage. Ils ne disent jamais clairement les choses pour pouvoir les revendiquer ou les contredire.

    Bien sûr, à AIR France/KLM, personne ne regrettera Alexandre de Juniac, ses mauvais investissements et ses licenciements. Il aurait même augmenté ses rémunérations de 65%  alors qu’il s’est agi de bloquer, voir de diminuer les salaires des personnels. Sous sa présidence 5500 postes ont été supprimés.

    Au-delà de la compagnie de navigation aérienne, on se souvient qu’il est pour le travail des enfants et qu’il admire le Qatar pour la façon dont les syndicalistes et les grévistes y sont traités.

    « Pendant plus de 20 minutes, de Juniac régale son auditoire. La mine gourmande, le numéro 1 du groupe aérien semble oublier l’existence des caméras, et enchaîne les déclarations décomplexées. Les acquis sociaux ? Tout cela est « très flou ». Les 35 heures ? « La durée du temps de travail, qui paraît-il est un acquis social, qu’est-ce que cela veut dire ? ». L’âge de départ à la retraite ? « Est-ce que cela a un sens?». L’œil vitreux (de Juniac est intervenu après le déjeuner), il embraye ensuite sur le sujet de l’interdiction du travail des enfants. Une interdiction dont le bien fondé semble douteux au président d’Air France – KLM : « On a d’abord interdit aux enfants de moins de huit ans de travailler, puis l’interdiction a été portée à douze ans, puis à seize. (…) Qu’est-ce que c’est qu’un enfant ? Est ce qu’il faut les faire travailler, pas travailler ? Pas sûr . Mais le comble est atteint lorsque de Juniac, évoquant la concurrence à laquelle sa compagnie doit faire face dans un monde globalisé, raconte une anecdote qu’il trouve manifestement croustillante : « Comme le disait mon homologue de Qatar Airways hier à propos de la grève, “M. de Juniac, chez nous, ce ne serait pas possible, on les aurait tous envoyés en prison” ». Salve d’applaudissements dans la salle. Le Qatar érigé en exemple, pays où comme le rappelle Mediapart, « les salariés émigrés, traités comme des esclaves, meurent par tombereaux sur les chantiers ». ( Extrait d’un article dans le journal Le Grand soir ) 

    La républiques des acoquinementsToutefois, chacun notera que, dans la république des copains et des coquins, chacun veut placer son postulant au détriment d’un choix interne qui pourtant apporterait un peu de quiétude dans une entreprise nationale qui a vécu quelques remous et qui a vu des syndicalistes condamnés pour avoir chahuté des cadres arrogants. C’était une petite révolte contre le mépris dont les dégâts n’ont été que vestimentaires. Il paraît que cela a nui à l’image de la France dans le monde entier. Heureusement, depuis lors, la France est devenu le troisième exportateur d’armes, ce qui semble avoir redonné des couleurs à notre Président et, paraît-il, une bonne image du pays de droits de l’homme.

    Quel patron sera Jean-Marc Janaillac ? Tout dépendra des pouvoirs qui lui seront conférés. Le grand patronat, par la bouche de son représentant Pierre Gattaz, veut pouvoir licencier sans justificatif. Il souhaite que la France sorte de la convention 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT) qui oblige à justifier un licenciement. Le but. Il a déclaré au journal L’Opinion : « Les chefs d'entreprise, quand ils peuvent embaucher, craignent de se trouver devant les prud'hommes s'ils rompent le contrat. C'est un des principaux freins à l'embauche… Reste que pour lever le frein juridique, il faut sortir de la convention 158 de l'Organisation internationale du travail qui nous oblige à justifier les motifs du licenciement. Tant qu'on aura cette contrainte supranationale, peu importe le contrat, le fond du problème ne sera pas traité ».

    Monsieur Janaillac est Président de l’UTP, Union des transports publics. Nous vous laissons le découvrir dans ce rôle de président œnologue… Pourtant il faut choisir entre boire ou conduire !

    Voilà quelques moments de la vie du grand patronat et de la république des copains. Comment voulez-vous que ces personnages se soucient des salariés et des chômeurs ?

    On n’en a pas fini avec cette promotion Voltaire. Le philosophe du siècle des Lumières a écrit : « La politique a sa source dans la perversité plus que dans la grandeur de l’esprit humain » et « L’art de gouverner consiste à prendre le plus d’argent possible à une catégorie de citoyens afin de le donner à une autre ». Est-ce ces citations qui inspirent les énarques placés sous le parrainage de l’auteur des traités sur l’inégalité et la tolérance. Alors ne soyons pas candides ! 

    Fucone 

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