• La fracture judiciaire de Jacques Chirac.

    chirac_condamné

    Après la fracture sociale de 1995, est venue la fracture judiciaire de 2011. Jacques Chirac est  le premier ancien chef d'Etat républicain à être condamné par la justice, une décision qui rouvre le débat sur l'immunité pénale dont jouissent les présidents français. Il a été condamné à deux ans de prison avec sursis pour des détournements de fonds publics qualifiés d’abus de confiance, ingérence et prise illégale d’intérêt commis dans les années 1990. Pourquoi il a fallu 13 ans ? La procédure a été retardée par la protection dont il a bénéficié pendant 12 ans à l'Elysée, alors que d’autres, comme Juppé, ont déjà été condamnés. Il a toujours été absent physiquement de la procédure et il l’était aujourd’hui encore pour raisons de santé. Malgré un Parquet jouant l’avocat de la défense et contre l’avis de ce Parquet défaillant, le tribunal correctionnel de Paris l'a déclaré coupable de 19 emplois fictifs de "chargés de mission" à son cabinet de maire de Paris en 1993-1995. Le maire de Paris devenu Président de la République ne s’est pas entendu de vive voix reprocher d'avoir "manqué à l'obligation de probité" imposée aux élus gérant l'argent public, contrairement à ses rares déclarations sur cette affaire qui est l’aboutissement d’agissements ayant déjà valu à ses proches d’être condamnés, voire emprisonnés, sans jamais qu'on puisse demander des comptes au principal responsable.  Il a pu ainsi être élu alors qu’il aurait dû être inéligible comme l’a été Juppé pendant un an. .

    Agé de 79 ans, Jacques Chirac s'est retiré du Conseil constitutionnel dont il est toujours membre de droit, donc sans en démissionner. Les réactions de la classe politique ont été diverses. Certains sont satisfaits mais ont une pensée amicale pour l’homme. C’est notamment le cas de François Hollande. Jean-Marie Le Pen trouve que cette condamnation est une honte et que Chirac aurait dû conserver son immunité pour services rendus à la France. Eva Joly demande sa démission du Conseil constitutionnel. Peu de politiques prennent une position radicale et, si la justice est passée, Jacques Chirac bénéficie encore d’une grande sympathie de la part de la classe politique. Il faut dire que ce qui a été reproché à ce dernier relève de mœurs politiques communément admises même si d’aucuns essaient de faire croire le contraire. Le joufflu Eric Raoult, député-maire de Raincy et ex-ministre de Chirac, est allé jusqu’à dire ; « Jacques Chirac est un grand homme et ceux qui l’ont condamné de petits juges ». Quel mépris ! Avec des élus comme ce petit politicard, les petites mœurs politiques ne changeraient jamais.

    Dans cette affaire, l'ex-patron du syndicat FO Marc Blondel, avait été condamné puis  dispensé de peine. Cet ancien responsable syndical avait bénéficié d’un garde du corps salarié par la ville de Paris. Interrogé, il considère cet emploi comme une délégation syndicale en ajoutant que d’autres syndicalistes étaient pris en charge par la municipalité parisienne. Quoi d’anormal pour lui ? Affligeant !

    Les faits reprochés à l’ancien maire de Paris pouvaient lui valoir jusqu'à dix ans de prison et le tribunal a tenu compte de l'ancienneté des faits, à son âge, de sa maladie et de son passé de chef d'Etat.

    "Si vous condamnez, vous direz que la France a été dirigée pendant 12 ans par un petit comptable indélicat", avait plaidé Me Georges Kiejman, avocat de la défense. Drôle de logique ! Jacques Chirac n’était pas un petit comptable indélicat mais un homme politique convaincu de son impunité et de son destin national. La mairie de Paris n’était qu’un moyen pour arriver à ses fins. Son rôle est apparu au grand jour. Les Parisiens ont été floués et l’argent public détourné n’a pas servi à améliorer leur vie quotidienne mais à financer copains et coquins à des fins personnelles. On lui avait confié la Mairie. Douze ans après, il est condamné pour abus de confiance. On lui a confié la France en lui offrant une immunité totale. Qu’en a-t-il fait pendant douze ans? Des rumeurs ont couru sur le train de vie de cet ancien  pensionnaire de l’Elysée mais elles resteront des rumeurs. Le Maire a toutefois été rattrapé par la Justice. La justice en est grandie, même si le Parquet est piétiné.

    Toutefois, un maire accusé de graves délits a pu être élu Président et bénéficier d’une immunité contrairement à  ses co-auteurs et complices. Il a pu faire éventuellement pression sur la Justice, comme d’autres peuvent l’avoir fait après son départ. Le comportement du Parquet dans le procès n’apparaît-elle pas contraire à la fonction de cette haute institution judiciaire trop dépendante du pouvoir en place ?

    Espérons que ce procès  marquera un tournant. Un président de la République ne doit pas commettre des délits graves dans une démocratie et rester impuni.  Il faut réformer le statut d'immunité pénale totale du chef de l'Etat, cause d’un dysfonctionnement démocratique. La justice doit garder son entière indépendance et une reforme dans ce sens devrait modifier le mode de nomination et de promotion des membres des Parquet, chargés de l’action publique et non de la défense d’un prévenu qu’il soit puissant ou misérable. 

    Signé: Pidone

    Google Bookmarks

    Tags Tags : , , , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :