• La clarté n'est pas la vérité

    Après avoir fait du pouvoir une usine à brouillard, François Hollande promet la clarté mais la clarté n’est pas la vérité. Et, puisqu’Emmanuel Macron aime Oscar Wilde, nous le citons ici : « Le rêveur est un être qui ne peut trouver sa voie qu'à la clarté de la lune ; son châtiment c'est de voir poindre le jour avant le reste du monde »… et le réveil sera difficile.

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    Manuel Valls est allé faire allégeance au Medef et chanter son hymne à la gloire de l’entreprise jusqu’à promettre de nouvelles « réformes » du code du travail et l’autorisation du travail le dimanche. Il s’est placé sous l’arbre de la croissance de Pierre Gattaz qui situe l’Etat dans le terreau de la compétitivité avec le coût du travail et le coût de la fiscalité. Le tronc de cet arbre de la croissance économique est fait des clés du succès en deux parties. 

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    D’un côté, l’Etat est responsable de l’environnement de confiance souhaité plus simple, plus stable, plus serein fiscalement, plus souple socialement et plus sécurisé juridiquement. De l’autre, les entreprises ont la responsabilité des leviers de compétitivité que sont la satisfaction du client, le management des hommes, l’innovation, l’excellence opérationnelle et la montée en gamme. A chacun d’imaginer les arrière-pensées de cet arbre dont les seuls fruits seront le profit des actionnaires et les hauts salaires de grands patrons. Moins d’impôts, plus de flexibilité… et, en contrepartie, les entreprises  entreprendront. Dans le discours de Pierre Gattaz prononcé avant celui de Valls, nous n’avons noté que très peu de place pour le dialogue social et surtout, malgré ce que le Medef a déjà obtenu, la volonté d’en demander toujours plus.

    En remplaçant Arnaud Montebourg par un ancien banquier de la banque Rothschild en la personne d’Emmanuel Macron le signal donné était déjà fort. A l’université du Medef, on sait ce que la clarté voulue par Hollande réservera aux salariés. Emmanuel Macron est sorti de l’ombre de l’Elysée ! On lui attribue une grande part des idées du pacte de responsabilité. Il est partisan de l’abandon des 35 heures… à titre personnel, nous dit-on, mais le gouvernement ne touchera pas à la durée légale… toutefois elle pourra être discutée par branche. Petit à petit, branche par branche et pacte de responsabilité faisant, Hollande et Valls détricotent le code du travail pour cette flexibilité que réclame le patronat et qui se traduit par le terme « précarité » chez les employés.  

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    Décidément, on se demande aujourd’hui ce qui différencie la droite de cette « gauche dry » au pouvoir ? Ce qui est sûr, c’est que Hollande, Valls and Co n’ont plus rien à voir ni avec la gauche de lutte qui a souvent pris des formes révolutionnaires, ni avec le Front populaire. Sans doute, Hollande pense-t-il que Mitterrand a fait deux septennats grâce à son virage libéral de 1983. Pour durer et par cynisme, il a perdu après son élection un fondement de la gauche : l’idée de lutte, de transformation, de changement de l’ordre social. Il veut bénéficier de ce qui facilite les choses à la droite au pouvoir, c’est-à-dire avoir les pouvoirs économiques de son côté. C’est pour cela qu’il a nommé Manuel Valls chef de gouvernement et c’est à cela qu’Emmanuel Macron doit sa récente nomination au ministère de l’industrie. Rappelons que ce garçon de 36 ans a été propulsé auprès de François Hollande par l’ineffable Jacques Attali qui, depuis l’époque mitterrandienne, joue les éminences grises et l’économiste sournois du parti socialiste. Il a été chargé par Sarkozy puis par Hollande d’étudier les « freins à la croissance ». En 1994, Jacques Attali a créé Attali et Associés, cabinet de conseil international spécialisé dans le conseil stratégique, l'ingénierie financière et les fusions-acquisitions. Il aurait conseillé à son protégé de gagner beaucoup d’argent avec de se lancer dans une carrière politique et c’est ce qu’aurait fait Emmanuel Macron chez Rothschild.

    Manuel Valls a déclaré son amour aux entrepreneurs lors de l’ouverture de l’université d’été du Medef. Ne pouvait-il plus simplement parler de la nécessaire bonne santé des entreprises françaises ? Il est allé loin dans un discours complaisant où il n’a fait qu’adhérer à celui de Pierre Gattaz. Il a choisi son camp : celui des patrons et des actionnaires à qui il attribue le mérite de la création des richesses et renvoie le salarié au coût trop élevé de son travail. Selon le quotidien Le Monde, notre premier ministre a effacé tous ses tweets antérieurs à sa nomination, c’est-à-dire ceux qui le faisaient passer pour un homme de gauche.

    Comme Chirac et Sarkozy, sans remonter plus loin, Hollande et Valls veulent se sentir proches des réalités du pouvoir économique et financier pour qu’il les reconnaisse comme faisant partie des leurs. Ils pourront opérer les rapprochements qu’ils veulent dans l’action gouvernementale, ils ne resteront objectivement pas dans le même monde. Hollande a dit que son ennemi était le « monde de la finance » parce qu’il sait que l’ennemi du monde de la finance, c’est la gauche. Pour être élu, il avait besoin de toutes les voix de gauche. Pour se maintenir, il pense avoir besoin du Medef. Malgré son cap libéral et sa danse du ventre devant le patronat, la droite restera l’alliée politique du monde de la finance.  

    Manuel Valls a dit, devant le patronat, qu’il était absurde de parler de « cadeaux au patronat ». Pour ne pas déplaire à Pierre Gattaz, il a évité le terme « donnant-donnant » dans le dialogue social et a parlé de compromis équilibrés. Pierre Gattaz veut des baisses de charges sans contrepartie. Le patronat l’avait déjà obtenu notamment, sous la droite, d’Alain Juppé Premier ministre. Ce dernier s’était plaint ensuite auprès des patrons en leur disant : « Vous ne m’avez pas donné de contrepartie ! »  Aucun contrat en ce sens n’avait été passé avec le patronat et c’est cela que veut et obtient à nouveau le Medef sous des gouvernements dits « de gauche » et, en plus, il ne faudrait pas parler de « cadeaux fiscaux » ! De qui se moque-t-on lorsque l’on sait que les dividendes distribués aux actionnaires sont en progression de 30% cette année ? Nous savons déjà où l’argent des « cadeaux fiscaux » va aller. Nous maintenons que, sans contrepartie, l’expression « cadeaux fiscaux au patronat » a du sens aujourd’hui comme hier avec l’UMP.

    La politique menée par Hollande et Valls s’inscrit aussi dans une surenchère avec l’UMP. Lorsque Valls parle de 50 milliards d’économie, la Droite en demande 100. Au libéralisme de Hollande, la Droite oppose l’ultralibéralisme. Pendant que l’on marginalise ce que la presse nomme l’extrême-gauche, le Front national progresse en promettant une politique sociale de préférence nationale. A gauche, nombreux sont ceux qui ne se déplaceront pas dans les bureaux de vote. Voilà où nous mène la classe politique d’abord préoccupée par les élections présidentielles qui sont le marqueur des autres élections. A mi-quinquennat de François Hollande, nous entrons déjà dans la préparation de 2017. Chacun se positionne à droite tout en attendant que Sarkozy se manifeste. Au parti socialiste, on s’interroge sur des possibles primaires sans François Hollande.

    Alors que Sarkozy, n’en doutons plus, voudra revenir en politique malgré ses gamelles judiciaires, Hollande compte sur une amélioration de la situation économique et sociale pour envisager à une réélection. Il lui faudra alors faire taire toutes les ambitions et, en premier lieu, celle de son premier ministre actuel.

    Lors de la passation des pouvoirs entre Arnaud Montebourg et Emmanuel Macron, le premier a conseillé au second la « sincérité » comme ligne de conduite. Le second a répliqué par une citation d’Oscar Wilde qu’il affectionne tout particulièrement : « Quand les gens sont de mon avis, j'ai l'impression de m'être trompé. Tu m'as rassuré au quotidien à cet égard". Au-delà de la pique adressée, cela définit l’idée qu’il se fait du dialogue : une idée qui n’a pu que plaire à François Hollande. On peut la rapprocher d’autres bons mots de Wilde comme : « Le public est extraordinairement tolérant. Il pardonne tout, sauf le génie.» C’est dit autrement par l’auteur et montre la haute opinion qu’il avait de lui-même. A cet égard, l’ambitieux Emmanuel Macron semble n’aimait chez l’autre que lui-même.

    Nous apprenons que deux cents élus socialistes ont signé un document « ni godillots ni déloyaux » pour soutenir la politique de François Hollande et l’action du gouvernement. Ces « ninis » sont ceux qui votent pourtant d’un seul homme les textes gouvernementaux. Comment peut-on interpréter cette démarche visiblement fomentée par les Solfériniens contre les « frondeurs » ? Est-ce une tentative d’intimidation ? Veut-on marginaliser ceux qui défendent encore les valeurs de la gauche au sein du PS comme on a marginalisé le Front de gauche dans la presse ? Toutefois 200 députés ne seront pas suffisants pour voter la confiance à la prochaine cession parlementaire. Ils ne sont pas godillots, affirment-ils. Comment expliquer qu’un courant qui a valu aux Socialistes d’être devancé par Jean-Marie Le Pen aux Présidentielles et qui aux dernières primaires était minoritaire se soit imposé par de fausses promesses d’un François Hollande ? Quelle leçon tirent-ils des dernières élections municipales et européennes ? Ils ne sont pas déloyaux, disent-ils. Envers qui et quoi ? Sont-ils loyaux envers les militants et les valeurs de la gauche ? Sont-ils loyaux aux hommes et aux idées qui sont à l’origine du socialisme français ?  Pourquoi ont-ils eu besoin d’affirmer à la fois qu’ils n’étaient ni godillots ni déloyaux ? Si l’on n’est pas déloyal en allant contre ses propres convictions, on devient godillot. Cette pétition présentée comme un soutien  au gouvernement en est l’illustration malgré l’artifice du « nini ».

    Rappelons les résultats des primaires socialistes de 2012 ( premier tour):

    1. François Hollande: 39,17 % 

    2. Martine Aubry: 30,42% 

    3. Arnaud Montebourg: 17,19% 

    4. Ségolène Royal: 6,95% 

    5. Manuel Valls: 5,63% 

    6. Jean-Michel Baylet: 0,64% 

    Quels sont les courants qui restent au gouvernement ? Montebourg avec 17,19% a été éjecté par Valls avec ses 5,63%. Les radicaux de gauche ont trois ministres et leur président Jean-Michel Baylet voulait pour lui-même un ministère régalien avec ses 0,64%, jusqu’à remettre en cause la participation de son parti au gouvernement (ce qui a déclenché l’ire de Paul Giacobbi et une brouille entre les deux politiciens rivaux dans leur propre camp). Martine Aubry reste silencieuse et un de ses proches sollicité aurait refusé d’entrer au deuxième gouvernement Valls.

    Et dire que tous ces politiciens nous parlent d’intérêt général, de patriotisme, d’humanisme… etc. N’oublions pas qu’un appareil politique peut être manipulé par des hommes et des lobbies. La question se pose en ce qui concerne le glissement à droite du parti socialiste.

    Lorsque l’on revient sur l’élection de François Hollande, rappelons qu’il a immédiatement écarté les 3 984 822 d’électeurs du Front de gauche et qu’il a trompé les 828 345 électeurs écologistes en ne donnant pas le ministère de l’écologie à l’un des leurs. Comme Sarkozy, il continue à faire le VRP du nucléaire français. Aujourd’hui, il n’y a plus d’écologiste au gouvernement. Huit millions de voix se sont reportées sur lui au deuxième tour et les voix du Front de gauche ont été décisives. Combien d’électeurs socialistes a-t-il déçu sur les 10 272 705 qui ont voté pour lui au premier tour ? Si on prend en compte sa côte de popularité (17%), les mécontents sont nombreux et une fronde au sein du parti socialiste ne fait que refléter celle des militants méprisés par les Solfériniens et leur demande de changement de cap. Il y a tout de même quelques députés socialistes qui écoutent encore leur base.

    En Juillet, malgré l’activité saisonnière, le chômage a encore augmenté. Nous savons que la croissance est à zéro. La politique d’austérité est en train de dimunuer le pouvoir d’achat de la majorité des Français. Malgré cet échec, François Hollande s’obstine à mener une politique libérale sans lendemain et à diviser la gauche comme elle ne l’a jamais été. Quant au libéral Manuel Valls, après les prochains échecs électoraux du PS, il pourra toujours rejoindre le centre ou la droite où se trouvent le plus grand nombre d’amis du Medef. On se demande comment il a pu arriver à la tête du gouvernement socialiste si ce n’est par le bon vouloir de François Hollande qui gouverne avec un courant minoritaire après avoir trompé la grande majorité de ses électeurs.

    François Hollande aura accompli l’exploit d’être le plus mauvais président élu par la Gauche près le plus mauvais élu par la droite. Ce n’est pas son opposition de gauche qui sera responsable du retour de la Droite au pouvoir et de la montée de l’extrême-droite, mais bien lui-même et Manuel Valls. Ce ne sont pas les frondeurs du PS qui sont à stigmatiser mais tous les « ninis » qui ont accompagné et accompagneront encore une politique d’austérité, ceux qui ont fait payer la crise au peuple et qui lui font payer la sortie de crise. Parler de « cadeaux au patronat » n’est pas absurde et faire allégeance au Medef est lourd de sens politique pour les électeurs de gauche.

    U Barbutu

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