Après avoir dénoncé une mise en examen injuste et annoncé par le truchement de son avocat une saisine immédiate de la chambre d’instruction de la cour d’appel de Bordeaux pour demander l’annulation de la décision du Juge Gentil, Nicolas Sarkozy a décidé de temporiser. « Retenez-moi ou je fais un malheur ! » pourrait-on ironiquement penser après sa rodomontade sur un réseau social. Son avocat Me Herzog a finalement annoncé jeudi 28 mars dans l'après-midi qu'il ne comptait plus déposer de recours dans l'immédiat, en précisant qu’il avait demandé à son client célèbre de suspendre tout recours dans l’attente de l’avis du Conseil Supérieur de la Magistrature. Seuls Sarkozy et son avocat voient un lien entre son éventuel recours et l’avis que pourrait rendre le CSM saisie par la ministre de la justice après les attaques menées contre le Juge Gentil par quelques aboyeurs de la garde prétorienne du mis en examen outré de l’être. En effet quel lien pourrait-il y avoir entre la mise en examen pour abus de faiblesse sur laquelle le CSM n’a aucun avis à donner et les propos qui ont porté atteinte à l’indépendance de la justice pour lesquels elle est saisie ? Aucun.
Il s’agit soit d’une stratégie de communication soit d’un recul prudent. Lundi soir, Sarkozy écrit sur son mur de Facebook qu'il « utiliserait les voies de droit ouvertes à tout citoyen ». Continuera-t-il à s'appuyer notamment sur une tribune cosignée par le juge Gentil en juin 2012 contre sa politique judiciaire pour faire un recours ? Ira-t-il jusqu’à une "requête en suspicion légitime" pour obtenir éventuellement la récusation et le dessaisissement du juge ? Le problème pour lui est qu’il y a trois juges en charge de son affaire. Il a six mois pour formuler un recours en cours d’instruction et trois mois après la clôture de l’instruction et la transmission du dossier au procureur. Le procureur dispose du même temps pour formuler son réquisitoire définitif. Une fois les réquisitions notifiées, les parties ont encore un mois pour émettre des observations sur ces réquisitions. Si, entre temps, une demande d'acte est acceptée et que l'instruction reprend, le délai de six mois pour un recours s'en trouve "réactivé."
Donc Sarkozy a, le temps et peut avoir choisi d’attendre que l’émotion provoquée par les menaces de mort parvenues au juge et les propos tenus par ses lieutenants soient oubliés. Si son avocat considère que les preuves sont insuffisantes pour qu’il soit renvoyé en justice, il peut aussi tabler sur un non-lieu et prévoir une campagne médiatique après le non-lieu. Il éviterait ainsi le rejet de sa demande en annulation. On connaît sa rancune. Il pourrait ensuite vouloir pendre le juge à un croc de boucher comme il voulait le faire à Dominique de Villepin.
Est-ce que les juges ont des indices graves ou concordants pouvant envoyer Sarkozy devant un tribunal ? En théorie, oui puisque ce sont ces indices qui déterminent la mise en examen. Toutefois, ils ne déterminent pas la culpabilité. Tant qu’il n’y a pas de condamnation, le mis en examen est présumé innocent. Tous les mis en examen ne sont pas reconnus coupables. Si Sarkozy bénéficiait d’un non-lieu à l’issue de l’instruction judiciaire ou d’une relaxe devant les tribunaux, chacun devra se faire son opinion au vue de tout ce que les journalistes auront dévoilé sur les relations entre Sarkozy et Liliane Béttencourt.
Le battage médiatique a été orchestré. C’est fait. Si on suit la presse, Sarkozy devrait maintenant rester discret sur cette affaire. Son épouse a donné son sentiment sur la mise en examen. « J’ai vraiment du mal en parler… C’est douloureux d’en parler et aussi douloureux de ne pas en parler. C’est douloureux pour la famille, a-t-elle expliqué au Parisien en essuyant ses larmes. Pardonnez-moi… Ce que je peux vous dire, c’est que c’est impensable d’imaginer qu’un homme comme lui puisse abuser de la faiblesse d’une dame qui a l’âge de sa mère». Un message qu’elle a martelé dans les mêmes termes sur RTL et dans d’autres journaux. Nicolas Sarkozy lui est « serein et combatif », a-t-elle confié. « On va tout faire pour que la vérité éclate. »
Depuis lors et après la nouvelle stratégie de son mari, ellea fait savoir qu’elle avait eu tort d’en parler et a décidé de ne plus rien en dire pendant la promotion de son nouveau disque. Donc « acqua in bocca ! » dans le clan Sarkozy ! Motus et bouche cousue, sauf en chanson, sur son « Raymond » et sur le « Pingouin ».[1]
Battone
[1]« Mon Raymond » est une chanson de Carla Bruni dédiée à Nicolas Sarkozy baptisé par elle Raymond et le « Pingouin » est une autre chanson dans laquelle on pourrait reconnaître dans cet animal polaire Hollande vue par elle.