Gauche alternative en Corse
Rebondissements en série dans l'affaire de l'arbitrage Tapie. La directrice du FMI et ex-ministre de l’économie et des finances a été longuement entendue avec au bout le statut de témoin assisté. Me Maurice Lantourne, avocat de Bernard Tapie, a été placé en garde à vue. Plus tôt dans la matinée, des sources proches de l'enquête ont confirmé au Monde, après des informations publiées par Mediapart, que Pierre Estoup, l'un des juges du tribunal qui avait arbitré en 2008 l'affaire opposant Bernard Tapie au Crédit lyonnais sur la vente d'Adidas, était en garde à vue depuis lundi. M. Estoup aurait eu des liens professionnels anciens avec Me Lantourne, alors que l'ex-magistrat n'en avait pas fait état au moment de l'arbitrage en faveur de l'homme d'affaires.
L'Express.fr a affirmé hier que lors d'une perquisition effectuée le 14 mai dernier dans l'un des domiciles de Pierre Estoup, les policiers auraient saisi un livre dédicacé par Bernard Tapie le 10 juin 1998 dans lequel il louerait le « courage » du « président Estoup » et l’assurerait de son « infinie reconnaissance ». Ce qui tendrait à confirmer que l’homme d’affaires connaissait Pierre Estoup avant qu’il ne soit désigné arbitre, contrairement à ce qu’il a clamé haut et fort récemment sur Europe 1, le 23 mai, et dans « Le Parisien », le 24 mai.
Récapitulons ! Il s’agit d’un litige entre Bernard Tapie et le Crédit lyonnais sur les conditions du rachat et de la revente d’Adidas. La structure créée en 1995 pour gérer le passif du Crédit lyonnais après sa quasi-faillite a été condamnée en juillet 2008 par le tribunal arbitral à verser à Bernard Tapie 285 millions d'euros d'indemnités, dont 45 millions à titre de préjudice moral (403 millions d'euros avec les intérêts).
Auparavant, en novembre 1996, Bernard Tapie obtient, par le liquidateur de son groupe en faillite, une première victoire : la justice relève des premières irrégularités dans la vente d’Adidas et condamne le Crédit lyonnais à 600 millions de francs (90 millions d’euros) de provision. Le Crédit lyonnais fait appel de la décision. Le 30 septembre 2005 l'arrêt d'appel est rendu. La cour d'appel de Paris indique que Bernard Tapie a été floué lors de la vente du groupe Adidas par le Crédit lyonnais en 1993 et doit recevoir 145 millions d'euros à titre de dédommagements. La somme lui serait versée par le Consortium de réalisation (CDR), structure chargée d'assumer la gestion passée du Crédit lyonnais, et par la banque elle-même. Le Crédit lyonnais se porte en cassation. Le 9 octobre 2006, la Cour de cassation casse le jugement de la cour d'appel, sans se prononcer sur le fond du dossier, mais en jugeant que la cour d'appel « n'avait pas caractérisé les éléments qui auraient permis d’établir, selon la jurisprudence en la matière, que le Crédit lyonnais était obligé par un contrat auquel il n’était pas partie ». Les parties sont donc renvoyées vers la Cour d’appel. Le 25 octobre 2007, Bernard Tapie et les représentants du CDR acceptent le passage par un tribunal arbitral, procédure fréquemment utilisée pour régler les conflits de droit commercial privé, mais sans précédent s’agissant d’une personne privée face à l’État. Vous connaissez la suite. Entre temps Bernard Tapie appelle à voter pour Nicolas Sarkozy qui est élu. C’est la nouvelle Ministre de l’économie et des finances qui choisit la voie du tribunal arbitral. Au bout du compte, le dédommagement est passé de 145 millions d’euros à 285 plus les intérêts et un préjudice moral record de 45 millions d’euros. Le Consortium de réalisation (l’Etat) ne fait pas appel malgré les doutes apparus sur l’impartialité de deux membres sur trois qui composaient le tribunal arbitral. Chacun d'eux a reçu 300.000 € d'honoraires ( soit un coût supplémentaire de 900.000€ ). A l’époque et pour le PS, Jean-Marc Ayrault a demandé le 22 juillet 2008 à Christine Lagarde de saisir la justice, et estime que « tout dans cette affaire relève du copinage d'État ». Une commission parlementaire et des recours intentés par l’opposition de l’époque et deux contribuables n’ont eu aucun effet si ce n’est médiatique. Bernard Tapie a pu solder définitivement ses procédures devant la justice. Le tribunal correctionnel, saisi en 1993 par le juge Eva Joly pour banqueroute, l’a relaxé en 2009, aucune faute pénale n’étant retenue contre lui. Le tribunal de commerce a ordonné, le 6 mai 2009, la révision des jugements de liquidation judiciaire de son groupe : la révision a été obtenue ici non du fait du paiement des dettes du Groupe Tapie grâce aux indemnités issues de l’Arbitrage, mais du fait que le tribunal a estimé que jamais le Groupe Tapie et Bernard Tapie à titre personnel n’auraient dû être mis en liquidation judiciaire. Il reste à savoir si, comme l’a évoque Pierre Moscovici un recours est encore possible et si Tapie devra rembourser.
Depuis lors, contre vents et marées, Christine Lagarde a été nommé Directrice du FMI et répète que l’affaire Tapie/Crédit lyonnais a été traitée au mieux des intérêts du Crédit lyonnais, c’est-à-dire de l’Etat qui a réglé Tapie sur le dos des contribuables. L’homme d’affaire a acheté un bateau de luxe et une participation dans le groupe La Provence qui diffuse ses journaux dans la région Paca et en Corse. Il clame qu’il ne lui reste plus qu’environ 100 millions d’euros et qu’il serait extravagant qu’on lui demande de rembourser. Il faudrait demander ce qu’en pensent le contribuable et les anciens salariés des sociétés qu’il avait lui-même reprises. Après avoir soutenu Nicolas Sarkozy, il a eu le culot de proposer ses services à François Hollande élu. Il faut dire que l’homme d’affaire a érigé le cynisme comme une vertu professionnelle. D’ailleurs, il s’est plaint d’agissements qui auparavant sont à l’origine de sa fortune. N’était-il pas le repreneur de sociétés en difficulté revendues ensuite au mieux de ses propres intérêts et non de ceux des salariés. La liste des entreprises qui lui ont servi de marchepieds est longue. Comment a-t-il pu se faire berné par le Crédit Lyonnais avec son expérience des tribunaux de commerce et des procédures collectives ?
Lorsque l’affaire a été médiatisée, l’ex-ministre de Sarkozy avait dit « est-ce que j’ai une tête à être l’amie de Tapie ». Doit-on lui rappeler qu’il ne s’agit pas d’un délit de sale gueule mais d’une affaire de cols blancs. Entendue récemment sans garde à vue, elle a été placée sous le statut de témoin assisté, ce qui ne la met pas à l’abri d’une mise en examen si les investigations et les auditions révèlent des indices graves et/ou concordants à son encontre. La justice tient Christine Lagarde à vue !
Pidone