Gauche alternative en Corse
Une des citations de Cicéron les plus communément utilisées par les internautes américains et reprise en France est la suivante :
Elle circule partout, en particulier sur les nombreux sites consacrés aux citations, qui ne donnent jamais (et pour cause) ni le texte latin ni la référence. Une simple recherche sur internet donne au moins cent références, ce qui en fait certainement une des phrases de Cicéron les plus citées, aux moins aux Etats-Unis. Mais l’internet ne représente que la surface des choses : cette fausse citation prospère surtout dans les livres. Ne cherchez pas dans De oratoreou De re publica, vous ne la trouverez pas. Le professeur Collins (Northern Illinois University) découvrit que la phrase avait été forgée de toutes pièces par Taylor Caldwell dans son roman A Pillar of Iron (Doubleday & Company, New York, 1965). Ce roman biographique, dont Cicéron est le héros, connut en son temps un immense succès. Il fut réédité neuf fois, traduit en plusieurs langues et classé best-seller pendant trois mois par le New York Times. Une vraie citation du vrai Ciceron illustre la suite : «Verum est, inquit; nam hoc viginti annos audio!" (C’est vrai parce que ça fait vingt ans que je l’entends). Cette découverte du Professeur Collins est restée sans effet et la citation continue à être citée dans des rapports économiques en projetant à travers les siècles une vérité éternelle, celle de la sagesse administrative, que tous les gouvernements et économistes sont invités à méditer. La citation prospère auprès d’un certain public, celui de la droite américaine ultra conservatrice. Par le truchement de Caldwell, ces lecteurs entrèrent en communion avec pseudo-Cicéron qui témoignait, dans cette belle phrase, de son mépris des fainéants et de sa profonde défiance vis-àvis de l’Etat ! Il est révélateur de voir le politologue conservateur John Harmer évoquer ce roman comme la prédiction de ce que sont devenus les Etats-Unis à la fin du siècle. Ronald Reagan prononça une fois le mot « Cicéron » dans sa vie publique, ce fut pour faire référence à cette citation. Si ce n’est déjà fait, Sarkozy pourrait nous la sortir pendant la campagne avec toujours la même phrase « comme le disait Ciceron… » Il renverrait ainsi la dette à l’Antiquité. Il y a peu de chance qu’il cite en latin le vrai Ciceron. Selon Philippe Baumel, « Si La Princesse de Clèves ne semble guère utile aux yeux de notre président de la République, le latin et le grec, Cicéron, la Guerre des Gaules, Pline, Virgile et Sénèque seront, semble-t-il, bientôt voués à la critique rongeuse des souris sinon à un exemplaire autodafé sous la haute autorité de Monsieur Luc Châtel, ministre du Marketing éducatif. » Enfin avec les élections, on pourra peut-être éviter la vision utilitariste de l’École.
Sarkozy et ses patriciens doivent rêver d’une nouvelle République de Rome: une ploutocratie à la franco-allemande dans laquelle seuls 10% de riches s’expriment, discutent leurs choix et commandent aux plébéiens et aux esclaves. Ciceron devait y être une sorte de social-démocrate romain, pas un Césarkozy qui a pour seule devise « Veni, Vidi, vici ! »
Pour terminer sur cette fausse citation de Ciceron, elle est à l’opposé de ce que disait plus près de nous l’économiste Keynes en 1937, à la suite de la crise des années 1930 : “C’est lors d’un boom que les dépenses publiques doivent être réduites, pas en période de dépression.” Mais certains hommes politiques et économistes préfèrent rechercher dans l’Antiquité la justification de leur modernité ultralibérale. Alors ils nous racontent des histoires où ils mélangent fiction et réalité.
Nous venons de vous livrer à une "contraction de texte personnelle et commentée" d’une note publiée sur le Net par PHILIPPE ROUSSELOT (de la Société Internationale des Amis de Ciceron) sur CALDWELL ET CICERON. Sa version complète vaut la peine d’être lue.
Pour lire la note cliquer ci-après: gazette iv curiosa fr
Signé: Pidone