• La SNCM et le mythe de Sisyphe...

    La SNCM accuserait un déficit d'exploitation de 14 millions et une décision européenne  la  condamne à rembourser 220 millions pour des aides jugées illégales au titre de la DSP 2007-2013.

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    Le feuilleton de la SNCM pourrait s’appeler « Le Sisyphe maritime ». Chaque fois que la compagnie va sortir la tête de l’eau, il y a toujours un pied prompt à l’enfoncer. Elle essaie de remonter sans cesse à la surface alors que ses actionnaires principaux ne font jamais l’effort quand il le faut, lorsqu’ il s’agit de renflouer définitivement le bateau. Le plan de sauvetage de la compagnie maritime a pourtant été entériné par son conseil d’administration le 20 juin dernier mais on ne lui laisse pas le temps d’être appliqué. Tout le monde s’y met, à commencer par la commission européenne qui, après avoir réclamé avec insistance le remboursement des 220 millions de subventions, vient d’annoncer une nouvelle couche de plusieurs millions d’euros. Du coté de la holding de l’actionnaire principal Transdev, après avoir annoncé tardivement vouloir honorer ses engagements financiers toujours retardés, Véolia aurait décidé de larguer les amarres en annonçant ne pas reprendre  les 66 % du capital de la compagnie de transport maritime détenus par sa filiale. Il n’est donc plus question de sa coentreprise avec la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC).  Le PDG de Veolia, Antoine Frérot,  refuse toujours de payer pour une société que son prédécesseur Henri Proglio aurait reprise sous la pression de l’Etat, c’est-à-dire de Chirac et de Villepin. Enrico Porsia avait écrit à ce sujet dans un article sur son site Bakshish : « La tentative de liquider purement et simplement la compagnie nationale arriva, ensuite, avec le gouvernement De Villepin.Ce dernier avait imaginé  de privatiser la SNCM en la confiant à Butler Capital Partnersun fond d'investissement très proche de l'ancien premier ministre, qui envisageait purement et simplement de revendre par étages l'entreprise en récupérant une confortable plus-value en passant. Face à la mobilisation des salariés et face au risque de voir Marseille et la Corse s'embraser, le gouvernement avait changé son programme : Veolia devint l'actionnaire principal de la compagnie, désormais privatisée dans des conditions plus qu'opaques. Face aux pressions amicales exercées par De Villepin et même par le président Chirac, Henri Proglio, à l'époque patron de Veolia, avait accepté, mais… »

    « Ni Transdev ni Veolia ne sont solidaires des engagements de Proglio » reste le leitmotiv d’Alain Frérot. Le député Henri Emmanuelli, président de la commission de surveillance de la CDC avait déclaré devant les sénateurs le 16 juillet : « En tout état de cause, l’objectif de la Caisse des Dépôts n’est pas de revenir dans le capital de la SNCM. Nous n’en avons pas les moyens... » Pour Véolia :« La totalité des risques évoqués est susceptible d’impliquer une charge au niveau de la SNCM de l’ordre de 300 millions d’euros dans une hypothèse haute en 2013 ». Paul Giacobbi, président de l’Exécutif corse a menacé le 24 septembre Veolia de poursuite en responsabilité sur le passif de sa filiale indirecte, c’est-à-dire le remboursement des 220 millions d’euros à la CTC. Du côté de l’Etat, le premier Ministre fait le canard et a évité le sujet SNCM lors de son passage à Marseille vendredi dernier. La commission européenne ne lâchera pas le morceau et on dit déjà qu’elle ira jusque devant la Cour de Justice de l’UE, menace qui déboucherait sur la liquidation de la compagnie maritime, même si l’attitude attentiste de l’Etat en recule l’échéance. Un député européen non nommé par la presse aurait considéré que l'action de Bruxelles est « totalement imparable ». Dès lors, présage-t-il, « la seule question est : à quelle date la SNCM déposera le bilan?»

    Seule l'annonce en octobre 2012 d'un accord élevant la CDC au rang d'actionnaire majoritaire avait permis de ramener un peu de sérénité. L’augmentation de la participation de la Caisse au capital dépend de l'engagement pris par Veolia de reprendre en direct les 66 % du capital de la SNCM détenus par  sa filiale Transdev. Les passifs traînés portés par la compagnie maritime et l’acharnement de  la Commission européenne ont fait ralentir la concrétisation de cet accord, qui devait d'abord survenir cet été, puis a été repoussé à fin octobre avant d’être remis à nouveau en question. Depuis lors, de tergiversation en tergiversation, la clarification de l’actionnariat de la SNCM, avec le passage programmé de 50 % à 60 % de la part détenue par la CDC, semble à nouveau compromise et chacun s’en renvoie la responsabilité. Henri Emmanuelli, déjà très réticent sur la montée de la CDC au capital de la SNCM, menace maintenant de « reprendre les négociations à zéro »

    Le journaliste Pierre Verdi tient sa chronique du dossier SNCM et donne son analyse sur son blog « Pericolo sporgersi » dont nous conseillons la lecture pour aller plus au fond de ce dossier, en cliquant ICI

    On peut imaginer les atteintes au moral des marins et de tous les employés de cette compagnie qui a assuré jusqu’à maintenant la continuité territoriale. Une partie du personnel est déjà poussée vers la porte par un plan social et l’autre menacée de chômage à terme. Depuis des années, le personnel subit une douche écossaise intolérable.

    On note qu’une partie de la presse, prompte à fustiger la SNCM et son personnel, donne peu de place à la parole de ses salariés,  notamment à celle de la CGT, syndicat qui défend les emplois et dénonce les conditions injustes de concurrence dans lesquelles la SNCM a été placée depuis sa privatisation, ainsi que l’attitude irresponsable de l’Etat et des actionnaires. Ils ont vu leur compagnie nationale privatisée puis contestée par des compagnies Low Cost qui battent pavillon international, utilisent les paradis fiscaux et pratiquent le dumping social, tout en bénéficiant de subventions.  A croire que ce n’est pas le destin qui s’acharne sur cette compagnie gérée à l’emporte pièce mais des actionnaires  déficients, les lobbies ultralibéraux et ceux de sociétés offshores. La SNCM et ses subventions sont aussi un enjeu politique pour les Nationalistes qui militent pour une compagnie à 100% corse dans un but politique sans tenir compte de la faisabilité et de la viabilité d’un tel projet. Cette option indépendantiste ne tient pas compte de l’avenir de l’ensemble des personnels de la SNCM. Elle est portée par le Syndicat des Travailleurs Corses minoritaire au sein de l’entreprise. Toutefois l'Exécutif de Corse a créé une commission pour réfléchir sérieusement à la création d'une compagnie régionale publique. A croire que l’idée a fait son chemin chez nos élus dans la foulée des dernières avancées autonomistes votées par l’Assemblée corse. A penser aussi peut-être que les échéances électorales y soient pour quelque chose.

    Frédéric Alpozzo, secrétaire de la CGT des Marins SNCM, ne cesse de réclamer une vraie politique de service public avec la nécessaire régulation des trafics sur l'ensemble de la desserte maritime et le respect des règles sociales et fiscales par toutes les compagnies maritimes et employeurs concernés.Il a déclaré le 22 octobre dans un entretien Nice Matin : « nous avons fait des propositions en vue des prochains choix de la CTC les 8 et 9 novembre pour les liaisons entre Toulon, Nice et la Corse ». Rappelons que ces lignes maritimes ont été sorties de l’appel d’offres en 2002, lignes sur les quelles une « aide sociale » a été mise en place, c’est-à-dire une subvention par passager dans les catégories « jeunes, vieux, familles et résidants dans l’île ».  Cette aide a donc profité aux compagnies low cost sans contrôle de leurs comptes. Il a même été soulevé par le journaliste Enrico Porsia, que la Corsica Ferries, battant pavillon panaméen,  n’encaissait pas directement l’aide sociale qui serait réglée par la CTC à sa holding italo-suisse Lozali S.A,  propriétaire des navires jaunes et dont le siège est en Suisse. Il s’interroge : « Pourquoi l'Etat n'est-il jamais intervenu, alors que les bateaux jaunes perçoivent des subventions publiques françaises  et  que le holding de tête du groupe communément appelé Corsica Ferries est barricadé derrière le secret fiscal des banques suisses et s'exempte même de publier ses comptes? » Et  il ajoute : « En lisant le document confidentiel de l'IGF, signé par  l’inspecteur des finances Christophe Baulinet, nous découvrons que les services de l’Etat, depuis 2007 n'ont contrôlé qu'une seule compagnie maritime… la Sncm! Quant aux italo - suisses de la Corsica Ferries, dès 2007 et jusqu' à la  remise du rapport de l'IGF, le 16 mars 2012, personne n'a jamais vérifié si ils étaient en règle avec le paiement de la taxe sur les transports ou pas. En l'absence de contrôles, difficile, si non impossible, de savoir qui sont les fraudeurs qui ont creusé un trou de 3 millions d'euros par an dans les caisses de la collectivité territoriale ».

    La CGT des marins de la SNCM est un syndicat représentatif des luttes syndicales au sein de la SNCM depuis l’origine de ses difficultés en commençant par le premier projet de vente à un fonds d’investissement et de vente à la découpe. Ce syndicat a toujours dénoncé un projet strictement financier (sans stratégie de développement et sans considération pour le capital humain de l’entreprise) qui est resté sous-jacent et n’aurait jamais été réellement abandonné. En août dernier, les résultats des élections de délégués de bord (Marins) avec tous les navires en flotte ont été favorable à la CGT Marins qui a progressé de façon importante avec près de 60 % des voix et des sièges (800 votants pour la CGT), le SAMMM a progressé aussi, l’ALTERNANCE qui regroupe le STC la CFDT et la CFTC a chuté à 25% des sièges et 28% des voix.  Le STC, favorable à une compagnie insulaire,  représente un peu moins de 10% des voix.

    On a souvent reproché aux marins de la SNCM des grèves alors qu’elles sont leur seul moyen de pression face à tous ceux qui, pour des raisons diverses, veulent la fin d’une entreprise qui fait le lien entre les Corses du Continent et ceux résidants sur l’île. Combien de Corses ont eu des parents marins sur les bateaux de la SNCM, et avant sur ceux de la COMPAGNIE GENERALE TRANSMEDITERRANEENNE, de la COMPAGNIE GENERALE TRANSATLANTIQUE (La TRANSAT), de  la COMPAGNIE GENERALE MARITIME et plus loin encore des MESSAGERIES MARITIMES? Comme toutes ces compagnies qui l’ont précédée, la SNCM n’est pas la Corse mais elle fait partie de l’histoire maritime de la Corse et des Corses, d’une généalogie de marins corses,  ce qui n’est pas le cas de la Corsica Ferries notamment. 

    Matalone

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