• Les agences de notation, le AAA et nous...

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    Par Benjamin Coriat, Co-président des    Economistes atterrés 


    Cela a été peu commenté, mais c’est pourtant essentiel. La décision de Standard and Poor’s ne concerne pas que la France. Ce sont 9 pays de la zone Euro qui sont dégradés. C’est cela qui est inquiétant et lourd de signification. Cette dégradation massive signifie que même les marchés financiers, pour qui toutes les mesures ont été prises, considèrent que nous allons à l’échec. Il s’agit donc d’un événement très important pour l’avenir de la zone euro. Les agences de notations porte-parole des marchés viennent de dire que L’Europe (et la France) sont incapables de définir une stratégie de sortie de crise. Les marchés ont fait le forcing pour imposer le durcissement des politiques d’austérité et de réformes structurelles. Ils admettent aujourd’hui que ces politiques, dangereuses sur le plan économique comme sur le plan social, ne font que nous enfoncer d’avantage dans la crise. L’organisation de la zone Euro montre tous les jours d’avantage son inconsistance. En interdisant à la BCE d’acquérir les titres de la dette publique comme cela se fait partout ailleurs (aux USA, au Japon, En Angleterre …) et sans aucune coordination des politiques économiques pour permettre le retour à la croissance, la Zone Euro est prise à son propre piège.  C’est cela que nous payons aujourd’hui.

    Quelles conséquences attendre de cette dégradation ?

    Les risques sont multiples, même si toutes les conséquences ne vont pas se manifester immédiatement. D’abord, on risque de voir les taux d’intérêt que demanderont les banques pour acheter de la dette publique augmenter, ce qui va peser sur l’investissement des entreprises et des ménages, sur la consommation, sur les collectivités locales. Par ailleurs, la dégradation fragilise les banques. Les dettes publiques qu’elles détiennent étant moins bien « notées » par les agences elles seront plus limitées dans l’octroi du crédit, car elles devront d’avantage se « couvrir » elles mêmes. Elles réagiront en distribuant moins de crédit aux ménages et aux entreprises. Ce resserrement du crédit à son tour va peser sur les entreprises, les décourageant d’investir et d’embaucher. Tout cela évidemment va peser sur l’emploi et le chômage. Enfin, le gouvernement peut tenter de tirer partie de cette dégradation pour renforcer encore sa politique d’austérité au prétexte fallacieux de « rassurer les marchés ». On est en plein cercle vicieux. Puisque par ces dégradations les marchés viennent de dire que ces politiques précisément ne les « rassurent » pas du tout, mais au contraire les inquiètent !
    L’aspect positif de ces dégradations est donc pour nous qu’il s’agit d’un signal clair montrant que c’est une toute autre politique qu’il faut. Délibérément construite pour permettre le retour à la croissance.

    Choisir entre 2 scenari...

    Nous sommes au pied du mur. Les politiques doivent choisir entre deux scénari. Le scénario 1 est celui de la poursuite dans l’orientation actuelle. C’est celui de la soumission à l’Allemagne et aux marchés financiers. Il  consiste à annoncer de nouvelles mesures de rigueur (gel des dépenses publiques et sociales). Le fer de lance de cette politique est aujourd’hui l’annonce faite par le gouvernement de mettre en place une prétendue “TVA sociale”, qui allègerait de 35 milliards les cotisations patronales, pour les faire supporter par les consommateurs, avec donc une nouvelle attaque de leur pouvoir d’achat et un effet dépressif sur la consommation. Comme cette politique réduirait encore la croissance, elle ferait baisser les rentrées fiscales, ce qui obligerait à annoncer un autre plan d’austérité et ainsi de suite ... Comme le prouve la réaction des marchés aux précédents plans d’austérité, il n’y a aucune raison pour qu’ils se sentent plus « rassurés » hier qu’aujourd’hui. On continuerait de fonctionner à l’intérieur du même cercle vicieux…. Ce n’est donc pas une solution.

    L’autre scénario est celui de la sortie de crise de la zone euro « par le haut ». il  demande un changement de politique en Europe avec deux axes forts : briser la domination des marchés financiers et pour cela disposer d’une BCE qui joue son rôle en garantissant les dettes à des bas taux d’intérêt ; ensuite il faut rétablir une véritable base fiscale en revenant sur toutes les « niches » et toutes les exemptions de la fiscalité sur les hauts revenus et les revenus du capital ; à partir de là on pourra enfin soutenir la croissance, et en particulier la consommation, les investissements publics et privés nécessaires pour engager la transition écologique, absolument nécessaire mais qui nécessite des investissements de long terme.  

    En vérité nous n’avons plus le choix. Le néo-libéralisme mène l’Europe à la catastrophe. L’Euro ne peut survivre dans une situation où chaque pays doit se battre avec ses partenaires pour être le plus compétitif possible, avoir le moins de déficit public possible, réduire au maximum ses dépenses publiques et ses impôts, cela sous la surveillance des marchés financiers.

    Il est plus que temps de « changer d’économie ! ». L’Europe doit s’affirmer sociale, solidaire et écologique et un chemin est possible vers ces objectifs conjoints. C’est pour aller dans cette direction que nous avons formulé de nombreuses propositions dans notre dernier ouvrage. (Changer d’Economie. Nos propositions pour 2012, éditions LLL).


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